Vous entendez régulièrement le terme “format” qui circule dans les milieux de la création, de la production ou du management des médias mais vous ne savez pas exactement le définir ? Grâce à cet article, vous pourrez à présent l’identifier dans une grille de programme et comprendre quelles sont ses particularités.
Définition
Le format audiovisuel n’a pas de définition précise et unique, mais la jurisprudence en donne une ébauche : “le format doit être entendu comme une sorte de mode d’emploi qui décrit le déroulement formel, toujours le même, consistant en une succession de séquences dont le découpage est pré-établi.” En effet, le format audiovisuel présente une mécanique bien identifiée, un fonctionnement unique et normé. C’est ce qui lui permet d’être dupliqué pour produire plusieurs saisons ou pour être exporté sur d’autres territoires. En définissant les bases précises du contenu, le format a pour objet de déterminer à l’avance les contours de réalisations à venir. D’ailleurs, formater un documentou un contenu pour faciliter sa prise en main, sa compréhension et sa circulation n’est pas quelque chose de nouveau. Nous utilisons de nombreux formats au quotidien sans même nous en rendre compte. Word formate le texte, les titres et les tables des matières formatent les livres, les puces formatent les listes… Ce formatage désigne d’une certaine manière une industrialisation des programmes. Il optimise la circulation du concept dans l’objectif de le vendre à davantage de pays. Pour l’identifier parmi tous les programmes audiovisuels, gardez à l’esprit que le format est une création audiovisuelle qui a deux caractéristiques principales :
- il est déclinable et reproductible sur plusieurs saisons
- il est exportable sur d’autres territoires (moyennant une adaptation)
Si le programme ne peut pas s’inscrire dans ces deux cas de figure, ce n’est pas un format. Par définition, le format audiovisuel est un contenu qui voyage et qui s’adapte à différents contextes culturels, il a la merveilleuse capacité de raconter une histoire universelle que tout le monde peut s’approprier. Selon les formats, il y a une plus ou moins grande liberté dans l’adaptation. Par exemple, The Voice est reproduit à l’identique d’un pays à l’autre. En revanche, en France, TopChef a un positionnement assez haut de gamme et la cuisine est portée comme un art, alors qu’en Angleterre la nourriture a une place moins centrale, ce qui implique forcément une adaptation différente, en lien avec la culture et les pratiques des téléspectateurs. On retrouve des formats dans tous les genres audiovisuels : jeu, divertissement, documentaire, fiction … Mais également sur tous les écrans : certains formats sont développés pour une diffusion à la télévision, d’autres pour le web …
Flux ou stock ?
Vous avez déjà certainement entendu les termes “flux” et “stock” dans le jargon des professionnels de l’audiovisuel. Cette classification est largement utilisée, il est important de bien différencier les deux catégories de programmes audiovisuels. Les programmes de flux sont théoriquement destinés à être diffusés une seule fois, après cela ils perdent leur valeur première. Par exemple, les émissions de plateau (jeux télévisés, débats, talkshows, divertissement…) sont des programmes de flux. Les programmes de stock (aussi appelés programmes de catalogue) conservent leur valeur, indépendamment du nombre de diffusions. Par exemple, les séries, les films de cinéma, les documentaires sont des programmes de stock. Un programme de stock ou de flux n’est pas nécessairement un format audiovisuel, pour le caractériser ainsi, il doit répondre aux deux spécificités précédemment évoquées. On s’aperçoit aujourd’hui que flux et stock s’hybrident et que l’opposition entre les deux n’est pas forcément adéquate au regard des nouveaux usages et de l’internationalisation du marché. En effet, de nombreux programmes de flux sont finalement rediffusés sans perdre leur valeur première et cette spécificité auparavant différenciante ne permet plus maintenant de les classifier distinctement. Pour distinguer flux et stock, focalisez-vous sur les genres, et non plus sur leur potentiel de rediffusion.
La bible
Rassurez-vous, nous parlons toujours de formats audiovisuels ! La bible est le document fondateur du format. Elle consigne par écrit la description la plus précise possible de la mécanique du format (titre, durée, décor, animateur, invité(s), lieu de tournage, jury, musique, ambiance sonore …). Une idée ou un concept ne peuvent être protégés par le droit d’auteur, mais la bible peut l’être.
Les formats audiovisuels français
En France, les formats de flux représentent 30% du volume horaire total en 2018 et 35% du temps d’écoute. Ce sont essentiellement des magazines, des reportages et des talkshows. La France crée peu de formats. Quelques succès font cependant figure d’exception : Fort Boyard, Intervilles, Caméra Café, Qui veut prendre sa place, Vendredi tout est permis, Guess my age, Au tableau !!! ou La chanson secrète sont des formats français qui se sont exportés à l’international. Mais aujourd’hui, malgré un regain d’intérêt pour les formats inédits made in France plus régulièrement mis à l’antenne depuis janvier 2018, les ventes de formats français à l’étranger sont en baisse de 7 % par rapport à 2017. Elles atteignent 11 % des recettes totales issues des exportations de programmes français, soit 19,5 millions d’euros, un niveau quasiment équivalent à celui de 2015. Et à l’écran, la plupart des formats diffusés en prime time sur les chaînes françaises sont des formats étrangers. Pourquoi ce déséquilibre ? On peut l’expliquer par un déficit de compétences dû au manque de formations spécifiques autour des formats audiovisuels. Développer un format est un métier relativement récent qui nécessite des compétences particulières liées à la conception d’une mécanique dans l’objectif d’optimiser sa circulation sur un marché international. Cette spécificité demande au professionnel de s’émanciper de son propre prisme culturel pour imaginer un concept interculturel, qui pourra plaire aux publics des différents pays qui seront susceptibles de le diffuser. Pour pallier ce retard des acteurs français dans le développement de formats, la Fabrique des Formats a créé en partenariat avec le Celsa le certificat de qualification professionnelle “Développeur de formats audiovisuels et numériques”, une formation professionnelle validée par la CPNEF audiovisuel. Tout l’enjeu est de réussir à s’imposer comme un pays créateur de contenu pour valoriser et faire rayonner la culture française tout en créant de la valeur grâce à des professionnels experts des formats audiovisuels.
Les plateformes et les formats de flux
La production de contenus est résolument devenue un marché mondial impactée par le développement des plateformes et leurs nouvelles stratégies de diffusion et de consommation des programmes audiovisuels. Ces plateformes commencent à proposer des formats de flux, divertissements, concours de talents, dating shows, et rivalisent avec les diffuseurs traditionnels qui perdent l’exclusivité d’un genre jusqu’ici réservé à la télévision. Par exemple, Netflix propose en 2019 le premier jeu télévisé humoristique produit en France, C’est du gâteau !, animé par Artus et traduit en 8 langues. Ce concours du pire de la pâtisserie est produit par Fremantle, connue notamment grâce aux formats à succès La France a un incroyable talent ou L’amour est dans le pré. Le 10 janvier 2020, Netflix poursuit sa conquête des formats de flux en France avec la sortie du jeu Jusqu’à l’aube. Un trio composé d’humoristes et de youtubeurs français explore des lieux soi-disants hantés afin de désigner, la nuit passée, le candidat qui aura eu les plus grosses frayeurs. Amazon ne compte pas rester en retrait et présente également deux programmes de flux : l'adaptation, par ITV Studios France (The Voice, 4 mariages...) du format britannique à succès Love Island, et The Missing One, un jeu d'aventure produit par WeMake, qui sera tourné en Australie et dans lequel les abonnés pourront retrouver un cast de prestige (dont les français Bigflo et Oli accompagnés de leur père Fabian Ordonez). Bien qu’auparavant appelés simplement “programmes”, les formats audiovisuels préexistent à l’utilisation de ce terme spécifique. Mais on assiste aujourd’hui à une mutation des pratiques professionnelles qui mène à la création de nouveaux modèles de financements et, in fine, à de nouvelles perspectives en termes de revenus financiers pour l’audiovisuel. Par conséquent, les différentes étapes de conception d’un projet évoluent aussi avec les mutations économiques du secteur des formats, ce qui mène à un bouleversement complet des méthodes et des acquis. La Fabrique des Formats s’inscrit dans cette transition en accompagnant les professionnels français pour les aider à comprendre au mieux les enjeux présents et à s’inscrire dans les tendances formats de demain.