Une discussion avec Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde, ouverte sur la ligne éditoriale de la chaîne et plus généralement sur la situation des services publics en Europe.
TV5 monde possède un statut à part, la chaîne est financée par cinq gouvernements : la France, la Suisse, la Belgique, le Canada et le Québec. Les chaînes publiques siègent au conseil d’administration, à savoir France Télévisions, Arte, TSR, RTBF, Radio Canada et Télé Québec.
Il y a un quotta de 30% de programmes non français.
TV5 Monde représente 12 chaînes : 9 généralistes et 3 thématiques (1 pour les enfants, 1 sur le style, l’art de vivre et 1 offre d’information). Parmi les 9, certaines ont des sensibilités différentes, elles sont réparties par territoire :
- France – Belgique – Suisse
- Europe non francophone
- Maghreb – Orient
- Afrique (un territoire très important – la chaîne la plus regardée au Congo)
Co-production de séries africaines ; succès de Intervilles Côte d’Ivoire
- Asie (le plus grand fuseau horaire, de ce fait 2 chaînes ont été créées)
- Pacifique
- Etats Unis
- Amérique Latine / Caraïbes
- Brésil (différenciée de l’Amérique latine car la langue et les annonceurs ne sont pas les mêmes)
Tous les programmes sont en français (avec quelques exceptions en swahili ou wolof par exemple) et quatorze langues disponibles en sous-titres, ce qui est très utile pour la distribution (bouquet et numérotation privilégiés). En Europe, la chaîne est gratuite pour la plupart des pays sauf les Pays Bas.
TV5 Monde a un pouvoir de représentation des 80 pays membres de la francophonie, ce qui permet à nouveau une distribution privilégiée. La chaîne entretient de très bonnes relations avec l’ONU et l’UNESCO.
Sa structure : 256 CDI + des postes intermittents pour un total de 500 collaborateurs environ. Avec des bureaux à Los Angeles, au Panama et à Hong Kong. Elle produit 10 JT par jour dont le journal Afrique très suivi.
Budget : 109 600 000 € (en très légère augmentation depuis deux ans).
Création des trophées francophones du cinéma à Dakar. En septembre 2014, lancement du programme « 200 millions de critiques » avec le soutien des chaînes partenaires qui font participer certains de leurs journalistes. Yves Bigot annonce que le centre de gravité de la francophonie en 2050 sera logiquement déplacé vers l’Afrique.
TV5 Monde : un aggrégateur de contenus
En tant que producteur, comment s’insérer dans son organisation ?
Yves Bigot explique que cela dépend du type de contenus produits. TV5 Monde a une relation très simple avec les producteurs de stock : logiques de pré-achat et via des stratégies de coproduction (quasiment réservé au cinéma africain). Concernant le flux, le marché est plus restreint car la chaîne produit en interne 95% de l’information diffusée. A ce jour, 4 émissions sont produites par des partenaires extérieurs : 200 millions de critiques (avec une aide des chaînes partenaires via une reprise de certains de leurs reportages) ; Epicerie fine ; Tendance XXI sur la mode et # version française. Les deux derniers programmes ont été conçus pour la chaîne art de vivre, pour laquelle il y avait un vrai besoin de contenus adaptés et nouveaux.
Intervilles est une coproduction avec Mistral et la télévision publique ivoirienne.
TV5 Monde possède également des accords sur le web documentaire avec Arte et Radio Canada.
En parallèle des programmes audiovisuels, la chaîne possède également une importante mission de promotion de la langue française. Beaucoup d’outils et d’applications sont disponibles sur internet.
En revanche TV5 Monde offre aux programmes une visibilité mondiale, ce qui peut être un élément de valorisation de la diffusion.
Mapping des chaînes publiques européennes
Yves Bigot note que les grands pays européens sont très éthnocentrés, alors que les plus petits pays adoptent des logiques différentes : avec des langues peu partagées, ils se tournent logiquement beaucoup plus vers la scène internationale.
De plus, les diffuseurs et producteurs des petits pays occupent un spectre plus large. Ils sont à la fois compétitifs sur le marché international, tout en produisant des programmes basés sur l’ultra-local (plus local que France 3), très ancrés, et grâce auxquels ils font leurs audiences. Fiers de leur petite taille, ils peuvent mettre en avant leur succès à l’international.
En France, selon Yves Bigot, il y a un vrai fossé entre les formats des chaînes privées et des chaînes publiques. En voulant « franciser », on neutralise.
Enfin, il met l’accent sur le déficit français en R&D. En comparaison avec les autres producteurs européens, la France accuse un réel retard, qui, selon lui, a de fortes répercussions pour l’économie du secteur et sa compétitivité sur la scène internationale.