Nous recevons aujourd’hui Gérald-Brice Viret pour les chaînes du groupe Lagadère. Son intervention débute par l’annonce de l’ouverture de la chaîne Gulli Africa. C’est pour le groupe une date historique. L’ambition est d’investir le continent africain en passant notamment par de la coproduction avec des acteurs africains. Ils souhaitent produire un Gulli Mag Africa hebdomadaire.
L’idée, selon Gérald-Brice Viret, est de produire une marque neutre afin d’aider les marques à lancer une chaîne pour les enfants. On syndiquerait 8 chaînes nationales. Cela permettrait à chaque diffuseur local d’avoir une chaîne en plus pour un prix raisonnable avec un accès à une banque de données. Rappelons également que le continent africain compte beaucoup de jeunes, une chaîne en français, c’est aussi un atout important pour la langue et le rayonnement.
Concernant le financement, il y a à ce jour 3 sources :
- Les chaînes locales (qui produiront un peu)
- Des ONG
- La publicité (avec une rétribution aux chaînes)
Gérald-Brice Viret voit dans le développement de l’audiovisuel africain un enjeu pour Lagardère, une extension de la francophonie.
Ce marché offre également des perspectives de collaboration pour les producteurs français. Faire une chaîne francophone avec des programmes liés à la culture africaine. En ce sens, il faut veiller à ne pas être trop blanc éditorialement.
Profiter du savoir-faire de Lagardère. Un petit marché à surveiller, il y a des ponts à faire. Olivier Zegna Rata fait remarquer que cette nouvelle stratégie avec Gulli semble être une bonne manière de répondre à un besoin éditorial très fort du marché africain. Il explique que la TNT arrive en Afrique, ce qui va bouleverse le paysage audiovisuel. Les pays vont devoir s’ouvrir les uns après les autres et vont devoir émettre un bouquet de chaînes. Un bouquet qui aujourd’hui n’est pas constitué et ne pourra pas reposer uniquement sur des chaînes venues de l’extérieur. Donc essentiellement des chaînes nationales. Olivier Zegna Rata pense qu’il sera nécessaire de les aider à produire du stock. Pour cela plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Tout d’abord, notons que la rediffusion des programmes est difficile en Afrique, il n’y a pas de politique d’archives. Ensuite, il faut privilégier la possibilité de chaîne en marque blanche (c'est-à-dire transposables dans un autre sol). Enfin, il serait judicieux de penser la production et la distribution en même temps afin d’obtenir des budgets plus importants.
Quel que soit le programme, il faut avoir un moyen de le localiser, cela passe par un emballage différent, souligne Gérald-Brice Viret. Il y a aussi une demande pour apporter un accompagnement et une formation in situ (sur des éléments concrets).
La jeunesse de ces pays évolue dans un univers pan africain, en plus d’un ancrage culturel national. Ce qui permet de concevoir les programmes en co-production.
Thierry Caillibot propose l’idée de se fédérer en tant que producteurs français afin d’être mieux préparer pour ce marché émergent. Une démarche positive et proactive.
Gérald-Brice Viret présente la chaîne Gulli, une chaîne de la TNT détenue à 100% par Lagardère depuis peu, avec une audience en progression. Gulli est conçue pour les enfants avec une entrée pour les parents, c'est-à-dire la possibilité de rediffuser des classiques en prime time. Logiquement, les enfants ne sont pas devant la télévision après 20h30. Sur Gulli, chaque programme peut être regardé par un enfant. Pendant les vacances scolaires, la chaîne passe en 100% enfant.
Les équipes ont développé le concept du prime time enfant qui a lieu le mardi, débute à 18h30 et se poursuit avec le programme Cache toi si tu peux, produit par 2P2L. C’est un succès.
Gérald-Brice Viret indique que la chaîne cherche beaucoup d’unitaire, de tests qui peuvent se transformer en mini-série. Cela leur permet de faire de la communication régulièrement autour de ces évènements et parfois même de générer du buzz. Gulli tente beaucoup de choses et essaye de proposer un maximum de formats originaux. Selon Gérald-Brice Viret, c’est ce qui permet aux petites chaînes de la TNT de se démarquer dans cet univers multiple.
Sur la question de la propriété du format, il indique que la chaîne prend des parts si elle a aidé au développement du programme. Cela se fait au cas par cas.
Inventer un format dans la tendance ou acheter le format dans la tendance ? Pour les producteurs, la réponse n’est pas toujours simple. Gérald-Brice Viret explique qu’il y a quelque chose qui fonctionne bien ce sont les mood tape, à partir desquels sont ensuite créés les formats, en relation avec le diffuseur. Pour lui, le producteur et le diffuseur doivent travailler en étroite relation dans l’univers du format.
Le souci chez les diffuseurs, c’est la frilosité, qui s’exprime par le fait que la décision revient finalement au service juridique qui gouverne.
Selon Jean-Michel Salomon, le métier d’auteur c’est d’être en avance sur les tendances, de chercher à les précéder. Or c’est un discours qui se heurte souvent aux réticences des chaînes. Antoine Piwnik (2P2L) ajoute qu’il s’agit souvent d’une question de timing. Parfois on propose le bon format au bon moment en adéquation avec les ambitions éditoriales de la chaîne. Il prend l’exemple de Cam Clash, diffusée sur France 4. Le programme a été proposé lorsque la chaîne elle-même s’interrogeait sur la norme. Jérôme Caza ajoute que le format désigne plus la mécanique du programme que l’idée de base.
Gulli recherche des évènements, des programmes qui vont faire le buzz dans les domaines du divertissement et de l’infotainment. Canal J cherche deux évènements de production, souvent des talent show. MCM met à l’antenne le format « DJ mode d’emploi » produit par Pyla Prod, qui fonctionne bien. Une seconde saison est en préparation. La chaîne cherche surtout des programmes décalés. Ils diffusent par exemple Jimmy Fallon. Mezzo propose essentiellement des captations. Philippe Chazal remarque à ce propos que l’innovation est quasi inexistante dans le domaine de la captation.
Pour Gérald-Brice Viret, les petites chaînes représentent aussi un tremplin pour de nouveaux programmes vendus ensuite à l’international.
Sur le multi-écran, il émet un avis tranché. La délinéarisation de la télévision permet de faire vivre le programme avant et après. L’enjeu pour les chaînes reste cependant de ramener le téléspectateur sur le linéaire, car c’est là leur cœur de métier. Il note que NRJ12 avait cette qualité de produire 90% des programmes diffusés, ce qui constituait un positionnement différenciant et très clair.
Le replay progresse aussi sur Gulli. Les enfants suivent les habitudes de consommation des parents. Avec 6,5 écrans en moyenne par foyer, les séries américaines ont déjà vécu. Gérald-Brice Viret y voit une réelle opportunité pour la fiction et la production française. Il faut également réinvestir le direct (artificiel ou réel via des compétitions et des évènements sportifs) et recréer des rendez-vous pour garder intact le pouvoir fédérateur du média télévisuel.