Le 5 décembre dernier, la Fabrique des Formats recevait Izzet Pinto, le fondateur de la société de distribution indépendante turque Global Agency. C’est la troisième Masterclass du programme de rencontres internationales développé en partenariat avec MIPFormats, pour cette année 2017.
Philippe Chazal rappelle en introduction l’importance d’avoir une vision internationale des contenus et ce dès l’écriture. Ainsi, la distribution doit être intégrée le plus en amont possible. Nathalie Wogue présente le prochain focus du MIPFormats qui portera sur les enjeux pour 2020. La masterclass se décline en deux parties, tout d’abord une présentation de son activité par Izzet Pinto puis un temps d’échange avec l’audience piloté par Nathalie Wogue.
Keynote Izzet Pinto
Izzet Pinto commence par des éléments personnels sur son parcours. Ce faisant, il se raconte et conjugue sa vision du marché avec son histoire d’entrepreneur. Celui qui est aujourd’hui à la tête d’un des acteurs majeurs de la distribution internationale de contenus TV fait ses débuts il y a onze ans dans le show-business avant de rejoindre le marché des formats. L’histoire de Global Agency naît avec le programme Perfect Bride. Un format qu’il essaye de vendre au MIPCOM sans encore bien connaître les règles du marché. L’Italie décide d’acheter le format et l’affaire décolle.
La deuxième étape, c’est la vente de dramas turcs qui trouvent un public dans tous les territoires voisins. 1001 nights devient un vrai succès et se vend sur plusieurs dizaines de territoires. Puis vient la série Magnificent Century, pour laquelle Gobal Agency déploie un dispositif marketing massif et inédit qui interpelle et retient l’attention du secteur. La fiction se vend dans 85 pays et permet à sa société de changer d’échelle, passant de 5 à 30 employés.
Le prochain format décisif c’est Shopping monsters (Les reines du shopping) qu’il voit d’abord à la télévision. Le producteur français Hervé Hubert lui propose une option au-dessus de toute concurrence et il lui faut deux ans pour vendre ce format qui deviendra finalement une best-seller.
A travers les différents exemples de programmes, on observe que l’objectif de Global Agency est double : rechercher des formats internationaux à fort potentiel tout en gardant en tête l’idée de créer le buzz, ce qui nécessite d’avoir toujours des idées nouvelles pour lancer des formats et les rendre visibles. Aujourd’hui le marché de la fiction est satisfaisant, Izzet Pinto révèle se concentrer désormais sur un nouveau défi, celui de se lancer dans la création de formats. Il développe tout d’abord le talent show Keep your light shinning, dans lequel chaque candidat dispose de 20 secondes pour défendre ses chances et devenir la prochaine star de la chanson. Il fait produire un trailer aux Pays Bas pour un budget moindre et le présente au MIP. Diffusé sur ProSieben, le format pourtant ne séduit pas.
En quelques années, Global Agency devient le 5ème plus gros client du MIPCOM avec une forte présence et une campagne marketing globale et multisupport. De plus, la société d’Izzet Pinto franchit une nouvelle étape lorsqu’elle parvient à pénétrer le marché américain grâce au format de fiction Game of silence adapté pour NBC. Une vraie fierté de voir un projet local porté si loin.
Q&A
Nathalie Wogue interroge le CEO de Global Agency sur la manière dont il sélectionne un format et les critères qui vont motiver ses choix. Pour Izzet Pinto, le plus important c’est d’avoir la confiance des gens et de se battre pour acquérir le meilleur contenu. Pour cela, il fait confiance à son instinct, il marche au coup de cœur. Le secret d’un bon pitch, c’est sa capacité à nous plonger d’emblée dans le programme, on voit immédiatement à qui le show pourrait ressembler.
« Tout peut se vendre si l’idée est originale et de ressemble pas trop à ce qui a déjà été fait. »
Sur les priorités de Global Agency, Izzet Pinto explique ne pas se fier trop aux tendances car elles évoluent vite et finalement si le format est très tendance, il y aura beaucoup de projets similaires ce qui rend la vente plus difficile. Il explique aussi que les programmes d’access et les daily shows sont plus faciles à vendre même si le prime reste central.
Il évoque ensuite la difficulté de vendre des formats nouveaux car les diffuseurs sont moins enclins à prendre des risques lorsqu’il s’agit de formats de flux. Globalement, chez un distributeur, 20% du catalogue se vend bien et le reste moyennement voire pas du tout, mais il faut continuer à essayer.
Izzet Pinto est interrogé sur l’impact des nouveaux entrants sur son activité et le phénomène de globalisation des droits que ces derniers mettent en place. Vis-à-vis des géants du web, il estime que cela dépend de la société qui négocie, si l’acteur est petit, il semble difficile de résister face aux plateformes telles que Netflix ou Amazon, si le producteur a davantage de poids, la discussion peut être plus flexible. Plus généralement, il se réjouit de l’arrivée de ces nouveaux acteurs car ils témoignent du dynamisme du secteur, ce qui est avant tout stimulant. Selon lui, ce qui tue réellement le marché, c’est la copie. Deux formats qui se ressemblent trop et sortent au même moment, cela reste contre-productif. Il faut cependant considérer que le marché est global, tous les créatifs ont la même inspiration, regardent les mêmes vidéos qui font le buzz.
En complément, Izzet Pinto met également l’accent sur la capacité pour les distributeurs à créer des franchises internationales, l’enjeu est très important car finalement c’est la marque qu’on vend. Et le secteur évolue. Aujourd’hui les ventes se font sur moins de territoires, avec plus de diffuseurs et de plateformes impliquées. Il y a là une question de mécanique pour atteindre beaucoup de pays avec plusieurs saisons diffusés, ce qui selon lui est encore possible car on constate toujours une réelle appétence sur les contenus.
Quels conseils pour une société de distribution française ?
Pour un distributeur, il est important d’avoir un catalogue solide et d’être patient. Le succès vient d’un investissement massif en temps et argent, Global Agency couvre deux marchés chaque mois. Dans cette optique, il ne faut pas négliger les petits marchés et être présent partout. Chez Global Agency, tous les projets envoyés sont regardés et si les chances de vente sont faibles, les formats ne sont pas intégrés au catalogue. A l’inverse s’il y a un intérêt Global Agency s’investit pleinement sur le projet avec la possibilité de financer un trailer ou de soutenir un développement. La France constitue en effet un territoire très important pour le distributeur turc, car cela reste un marché de référence au même titre que le Royaume Uni, l’Allemagne ou les Etats Unis. L’appel aux producteurs français est lancé.