RENCONTRE DU 08/12/2020
Masterclass de Lucie Cabourdin
« Manager des créatifs »
Lorsque l'on pense créativité, l'outil principal qui vient en tête est le brainstorming. Nous vous proposons de découvrir une autre manière de générer des idées novatrices lors de cette session de 2H animée par Lucie Cabourdin. Présentation de Lucie Cabourdin Créatrice de la méthode D.I.S.R.U.P.T.T.®, Lucie Cabourdin a travaillé pendant 15 ans dans l'audiovisuel. Commençant comme "créa" dans le groupe M6, elle a participé à la production de nombreuses émissions comme Pékin Express. Quittant cette aventure pour rejoindre celle de Banijay en 2009, elle aura l'opportunité d'y évoluer dans diverses fonctions et de manager des créatifs du monde entier pendant 10 ans, pour devenir Global Head of Development du groupe. En 2018, sa curiosité pour l'innovation l'amène à l'Université de Stanford où elle poursuit en parallèle un cursus en Corporate Innovation. Constatant l'intérêt majeur d'une rencontre entre le monde de l'innovation et celui des industries créatives, elle décide de créer Flammable, une société de conseil proposant d'utiliser la créativité comme levier stratégique pour stimuler l'innovation dans des entreprises de secteurs divers, artistiques ou non. INTRO Lucie Cabourdin introduit son propos en rappelant 2 constats autour de l’opposition entre les termes de Créativité et d’Innovation :
- Le Process d’Innovation: est une science dure, rattachée au monde du rationnel ;
- La Créativité n’est pas considérée à sa juste mesure dans le « monde du business ». Elle est rattachée à l’irrationnel, l’illumination.
Or, il apparait que la créativité est une qualité plus que nécessaire lorsque l’on veut innover. D’où la création de son entreprise Flammable qui propose de faire le lien entre
- Les industries créatives
- Et le monde l’innovation
Lucie Cabourdin explique que cela demande de passer par un processus de rationalisation de l’activité créative, et par l’identification de la matière première. Dans le cas de l’industrie audiovisuelle, la matière première n’est autre que le format qu’il est donc nécessaire de savoir bien définir. Elle le définit comme un programme audiovisuel réplicable. Elle liste plusieurs qualités qui lui sont associées : la nouveauté, l’universalisme, la résonance avec la société, l’univers, la flexibilité/le potentiel de déclinaison, la mise en valeur de personnalités fortes, le storytelling qui permet une progression, le rythme, l’urgence du contenu, la simplicité et le twist.
(Les 11 qualités d’un format - Présentation de Lucie Cabourdin (Flammable) ©)
Elle explique que le processus de « formatage » est avant tout une conception mentale, qui nous renvoie au terme de conceptualisation, encore appelé processus d’idéation. LES MÉTHODES D’IDÉATION Lucie Cabourdin rappelle qu’à la source de toute idée, il y a une problématique. La créativité, n’est autre que la capacité à la résoudre de manière pertinente. Elle précise qu’il existe aujourd’hui plusieurs méthodes, plus ou moins connues, pour stimuler ce processus d’idéation. La plus populaire est peut-être le « Brainstorming ». Le brainstorming n’est pas si efficace, quelques nuances : Les inconvénients
- Le groupe encourage au conformisme ;
- Le groupe a tendance à diluer la responsabilité ;
- Le brainstorming implique une motivation extrinsèque, et non une motivation personnelle intrinsèque ;
- La pression de l’agenda caché : « trouver absolument la Big Idea ;
- Les idées rentrent en collision et peuvent se perdre en cours de route.
Les avantages
- Un intervenant extérieur peut aider à stocker les idées ;
- Le brainstorming est bénéfique à la cohésion de groupe ;
- Permet d’intégrer un tiers (un client par exemple) dans le processus de création et encourage ainsi une pensée convergente.
D’autres méthodes existent :
- La pensée latérale ;
- Le rêve éveillé ;
- Le brainwriting ;
- La méthode « Scamper » : déconstruire une idée pour la reconstruire.
DISRUPTT ® : UNE NOUVELLE METHODE D’IDÉATION
- Une vision inspirée de l’Orient :
Lucie rappelle que sur le plan théologique, la notion de création entre Orient et Occident est radicalement différente.
- Bien souvent, la vision occidentale considère le processus créatif comme le fait de commencer à partir de rien (« from scratch »), à la manière d’une feuille blanche que l’on remplit (« Au commencement Dieu créa la Terre »).
- A l’inverse, la vision orientale considère le processus de création comme le fait de révéler, découvrir ce qui existe déjà (« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » Lavoisier).
La méthode DISRUPTT® s’inspire ainsi de cette vision orientale en considérant la créativité comme une métamorphose d’un point A à un point B. Lucie associe ainsi 2 variables à la créativité :
- Le point A, en tant que point de départ (situation initiale ou problématique : dans notre cas un format que je produis déjà par exemple) ;
- Et le processus de transformation qui permet d’arriver au point B, notre résultat.
- DISRUPTT : 8 lettres pour 8 grands types de transformations possibles (méthode utile dans le champ audiovisuel mais pas que…)
1/ DISRUPTT : D, comme Dimension Changer la taille, le nombre, la proportion, exagérer/minimiser. Ex:
- La taille: Spin the Wheel; Big Home, little house XXS ; Lego Master
- Le nombre : Familles nombreuses (nb de candidats important) ; Qui veut Gagner des millions (montant des gains important) ;
- La proportion: beaucoup de formats utilisent le procédé du « avant/après » ;
- L’exagération : des formats qui utilisent une promesse spectaculaire ; ce process est souvent utilisé dans les pubs (ex : Redbull)
2/ DISRUPTT : I comme Ingrédient Changer d’ingrédients via les processus d’association, de remplacement (switch), d’inversion (swap), spin-off, simplification. Ex:
- Association:
- Masked Singer + Your face sounds familiar => A Star in the star
- I can see your Voice + The Voice => Fame Maker
- Le swap : Wife swap
- Le spin-off : The Voice => The Voice Kids / Friends => Joey
- Simplification : travail de création complexe : rendre simple qqch de compliqué en enlevant un ingrédient par exemple, ou en isolant une mécanique d’un jeu existant.
Cette transformation de « changement d’ingrédient » donne une sensation de familiarité (cela rassure, c’est facile à pitcher). 3/ DISRUPTT : S comme Situation Changer la situation, le contexte via : l’analogie, le détournement, le « Fish out the water ».
- L’analogie : procédé très utilisé au cinéma
- Le détournement : Créer de l’humour (mettre en scène le « produit » d’une autre manière). Typiquement aujourd’hui : le mème internet et la parodie en TV : Burger Quiz, La Flamme, Nailed-it
- Le fish out the water : réadapter quelque chose à un autre support : Rendez-vous en Terre inconnue; Les Ch’tis à Ibiza…
Cette transformation permet de trouver une réponse à une problématique en l’assimilant à un autre contexte, une autre industrie… 4/ DISRUPTT : R comme Réalité Changer de réalité via l’absurde, l’imaginaire, la fantaisie.
- L’absurde : fait sourire, questionne, source d’imagination et d’évasion et marque les esprits ;
- L’imaginaire / la fantaisie : Exemple de certains formats qui nous font voyager dans un univers : Masked Singer ; Fort Boyard ; Monster Kitchen.
Cette transformation du changement de réalité implique de ne rien s’interdire, et de penser « out of the box ». Autres exemples de formats (qui ont permis de « rendre possible » l’impossible) : The Donor show ; Nus et culottés ; Married at first sight 5/ DISRUPTT : U comme Usage Changer l’usage via les procédés de contre-emploi, de réemploi.
- Le réemploi (recyclage) : consiste à réutiliser des choses existantes pour en faire quelque chose de nouveau (très utilisé en pub). Cela permet de réutiliser la matière première (ce qui est parfois « Cost effective ») :
- Les Enfants de la Télé
- L’Affaire Gregory (+ process de “repackaging” des images existantes)
- Le contre-emploi : amener des personnalités à faire des choses qu’elles ne sont pas censées faire à la base. Ex : Danse avec les stars
6/ DISRUPTT : P comme Perspective Changer de point de vue via les procédés d’immersion, d’expérience sociale, d’angle de vue et d’empathie.
- Immersion: Radio Gaga (2 animateurs radio parcours le pays à bord d’un camion/studio mobile)
- Angle de vue : Quitting benefits ; Celebrity Snoop Pets (captation via une Go-pro installée sur les chiens)
Cette transformation de changement de perspective et d’angles de vues implique de jouer sur les modes de narration (la présence d’une voix-off, les prises de vue des caméras, itw, montage etc…) qui donnent une nouvelle identité sonore et visuelle. 7/ DISRUPTT : T comme Temps Changer la temporalité à travers le flash-back et le flash forward (des procédés dans l’air du temps).
- Le flash forward : la dystopie (genre très à la mode), en fiction (Black Mirror; HandMaid’s Tale) et en flux (Retroscopie sur TMC) ;
- Le flash-back : la nostalgie culturelle (également très en vogue). Lucie Cabourdin pose la question : quelles manières de s’évader face à l’angoisse du futur ?
8 /DISRUPTT : T comme Technologie L’évolution des technologies reste une source d’innovation bien connue : il s’agit d’utiliser des moyens nouveaux pour résoudre des problèmes anciens. Dans l’audiovisuel, la technologie peut :
- Permettre de changer l’expérience totale du téléspectateur (au travers d’une nouvelle manière de produire, de réaliser et des supports) Ex : Tous le monde joue (le téléspectateur joue également via une application)
- Être la source du concept lui-même. Ex : Beat Shazam
Lucie Cabourdin conclut la présentation de sa méthode d’idéation en rappelant que ces 8 types de transformation constituent un outil rationnel qui peut s’appliquer à tous les domaines, aux industries créatives de manière générale, et bien évidement à la création de programmes audiovisuels. Elle rappelle enfin qu’il s’agissait ici d’une introduction, et que l’ensemble des points développés s’inscrivent dans un modèle plus large : « Fire ® » qu’elle développe à travers des modules de formation. Elle y aborde, entre autres, la question du manager dans le processus créatif et de la position du mentor. Une formation sur le thème de « Manager des créatifs » portée par Lucie Cabourdin est en développement afin d’intégrer le catalogue des formations professionnelles proposées par la Fabrique des Formats au premier semestre 2021, comme a pu le rappeler Fiona Bélier en début de session. Leith Louzir conclut en remerciant Lucie Cabourdin pour ce partage de sa vision éclairée sur les méthodes créatives d’appropriation du processus d’innovation, ainsi que pour la pertinence et la clarté des liens subtils qu’elle parvient à élaborer entre concepts abstraits et exemples concrets. Il clôt enfin la session en rappelant que la prochaine session de veille de la Fabrique des Formats sera dédiée à la thématique du Casting. Elle sera présentée par Jennifer Teixido, co-fondatrice de l'agence de talents Origines, et ancienne directrice de casting de TF1 Studios. Session de veille _Masterclass de Lucie Cabourdin_V20201218-2