Le format entertainment aux US
Présentation de Nathalie Wogue Nathalie Wogue est une développeuse, acheteuse et stratège du format entertainment. Elle est connue comme étant l'un des principaux experts en formats de divertissement sur le marché international. Elle est maintenant basée à Los Angeles. Diplômée de Dauphine et de Sciences Po, ancienne journaliste à TF1, productrice TV indépendante, directrice du développement chez Fremantle France, vice-présidente mondiale des formats chez IMG Entertainment, DGA en charge de l’international chez Endemol France, et présidente de la JV Mark Burnett Production/Endemol France, elle a contribué au lancement de formats emblématiques qui sont encore aujourd’hui diffusés avec succès, comme Les 12 Coups de Midiou L’Amour est dans le Pré. Puis à la tête de sa propre société qu’elle dirige toujours, elle a continué le développement, l’acquisition et la stratégie de formats en France et à l’étranger, pour des groupes comme ABC Studios, Fox, Canal + ou RTL mais aussi des producteurs indépendants. En tant qu’indépendante, elle a récemment créé des émissions de divertissement en prime time (à la fois factual entertainment et studiobased), qui ont été diffusées avec succès en Europe en 2018 et 2019. Avec le Reed Midem (MIPTV - MIPCom), elle a également supervisé pendant plusieurs années le programme du MIPFormats, désormais marché n°1 sur les Unscripted Formats. Dans cette industrie très disruptive, son rôle est aussi de repérer de nouvelles tendances et idées à la fois TV et numérique. Elle donne des conférences à Sciences Po et sur différents marchés internationaux, comme au MIPTV et a l’ATF, où pendant plusieurs années, elle a parlé des Best Ideas when TV Formats meet Digital. Nathalie est également juge dans des concours prestigieux comme les Emmy Awards, La Rose d’Or et les C21 Awards. Enfin elle est à l’origine avec la Fabrique des Formats des séances de “pitchs” “French Touch” du MIPFORMATS, fait partie du Comité de Sélection de la Fabrique des Formats et intervient régulièrement dans le cadre du programme des Fablabs et des “Master Class” formats organisé par la Fabrique des Formats.
Les différences entre le marché US et l’Europe Nathalie Wogue explique qu’il existe de grandes différences dans la manière même de concevoir les formats, entre le marché américain et le marché européen des formats. Cela s’illustre aussi bien à travers les acteurs en jeu et la programmation que dans les mentalités différentes. La place des diffuseurs Historiquement, le marché US est construit autour de 4 grands networks (NBC, CBS, ABC, et la Fox), les chaînes du câble, et le système de syndication qui n’existe pas en France. Ainsi, Nathalie Wogue souligne la multitude de chaînes qui existe sur un continent comme les États-Unis à l’inverse de l’Europe morcelée, où chaque État possède globalement ses propres diffuseurs. La programmation Les États-Unis sont restés sur des grilles de programme qui sont les mêmes depuis des décennies. Le partage de la journée se fait entre : > les News (nationales et locales), > les Talkshows (daytime/ late night), > les Soap Opéras, > les Game show (plutôt le soir, parfois dans la journée) La case clefpour le format reste la case du Prime Time: de 8pm à 11pm (sur les côtes Est et West) et de 7pm à 10pm (sur le reste du territoire). À l’inverse de l’Europe, la case de l’access, est moins un enjeu pour les formats, même s’il existe de plus en plus d’exceptions. Les pics d’audiences se font le dimanche soir, (ils avaient lieu historiquement le jeudi soir), avec des formats comme Pop Idol. Nathalie Wogue explique que cette grille type, qui reste la même dans un continent, constitue un élément majeur pour comprendre les particularités du marché US des formats. C’est le schéma inverse en Europe où l’on propose autant de grilles qu’il existe de pays, de cultures et d’habitudes de consommations différentes. Elle décrit les USA comme un marché super puissant avec un système stable qui ne s’adapte pas trop : « ils ont l’habitude des grosses marques, et pas d’un marketing dispersé autour d’une grande variété de formats ». LeBusiness model L’achat de formats : aux USA, quand les chaînes achètent des formats, elles prennent des « droits mondes pour toujours ». Cela explique aussi que les producteurs américains ont de plus en plus envie de travailler avec l’Europe (où il y a davantage de partage de droit à 50 %). D’ailleurs, Nathalie Wogue souligne que les chaînes US ont bien compris cela, et tentent d’arrondir les angles avec les producteurs, et ce d’autant plus qu’elles ont bien conscience que les plateformes d’AVOD sont en train d’assécher le marché. Les chaines US se montrent ainsi davantage ouvertes au marché international. Nathalie décrit une « soif d’apprendre » de leur part. Elles seraient de plus en plus ouvertes aux « paper formats ». Elles ont conscience que la compétition est telle qu’elles n’ont pas d’autres choix que d’être à la pointe des idées et de ne pas tout miser sur des grosses marques qui ont déjà fait leurs preuves ! Le prix de la consommation tv linéaire :pour « avoir la tv », il faut compter « entre 100 et 200 dollars par mois » rappelle Nathalie Wogue. Cela explique que bon nombre de gens se désabonnent des câbles pour préférer souscrire aux différentes plateformes. D’autant que Nathalie note que l’on peut regarder quasiment tous les networks en restant sur le digital. A ce propos elle souligne la problématique de la pub : « Quand on crée des formats aux US, il faut vraiment avoir en tête son poids, car cela peut vraiment dénaturer un programme ». Il n’y a donc pas de « système d’options »ou de « licence fee »(comme c’est le cas en Europe lorsqu’un producteur met à disposition son format en contrepartie d’un paiement par exemple). Aux USA, le système est différent : les chaînes prennent tous les droits pendant une certaine durée (et cela d’autant plus que le format est « inconnu »). Si la chaîne US n’en fait rien, le producteur peut les récupérer. Nathalie précise que dans ces conditions le producteur a le droit à un pourcentage sur tout, à condition qu’il lâche ses droits. Nathalie rappelle que l’avantage de passer par les États-Unis, c’est que cela représente encore une « énorme caisse de résonance dans le monde ». Pour répondre à la question d’Arnaud Pontoizeau – chargé de mission à La Fabrique des Formats - sur « la balance commerciale » des formats aux USA, Nathalie explique, concernant le « format entertainment », que le fait de savoir si les américains achètent plus qu’ils ne créent est complexe à déterminer, et qu’elle n’a pas de réponses chiffrées. Il semblerait que les États-Unis créent de plus en plus, mais qu’en même temps ils s’ouvrent davantage au marché international. Nathalie précise que cela est d’autant plus vrai depuis quelques mois avec le contexte de confinement que l’on connait. Les formats convoités Les « broadcasters » américains recherchent des formats qui soient à la fois « loud » (« bruyant »), simple et amusant.Il faut un programme qui puisse rassembler dans un pays de communautés, et cela passe par le divertissement. Au-delà des networks, il y a aussi les chaînes du câble qui peuvent s’intéresser au « Factual entertainment » (du divertissement avec d’avantage de fond). Les genres les plus privilégiés restent les gros divertissements en studios, les jeux … Mais les diffuseurs sont de plus en plus ouverts. Par ailleurs, Nathalie explique que les Networks aiment qu’on leur propose des programmes « packagés ». C’est-à-dire qu’en plus du Pitch, on leur propose des personnalités qui pourraient être associées à la production du programme à travers un contrat avec celle-ci.
Deux acteurs majeurs sur le marché US :
- Les agents de présentateurs,...: C’est une spécificité américaine, et ils sont indispensables. À quelques exceptions près, ils ne s’y connaissent pas forcement sur le fond des sujets et l’univers des formats, mais leur rôle d’intermédiaire est clé. L’idée est qu’ils permettent de faire du lien, et d’encourager des producteurs qui sont très ouverts aux partenariats.
- L’importance des syndicatsdans la préproduction. Particulièrement en ce moment avec la période de Covid. Ils ont un poids non négligeable.
Nathalie en profite pour rappeler que le Covid a accentué deux tendances auprès des acteurs de la production audiovisuelle aux États-Unis : Ø Ils commencent à prendre conscience des coûts de production aux US (beaucoup plus chers qu’en Europe). Ø Avec toutes les contraintes que ce contexte pose à la fiction, cela aide au développement de le nonscripted. L’organisation des productions de programmes de flux est en général plus simple à gérer dans le respect des conditions des règles sanitaires. Ø C’est dans cette logique que les producteurs semblent davantage ouverts à la mise à l’antenne d’adaptations de formats internationaux, peu chers, simples à produire, et qui ont déjà fait leur preuve. L’ambiance Nathalie Wogue explique que l’atmosphère de travail aux États-Unis, et la philosophie qui y est associée, ne sont pas anecdotiques pour comprendre le fonctionnement du marché américain. Elle témoigne d’une ambiance positive assez agréable qui donne envie de tester et d’essayer. Par ailleurs, elle décrit une population de professionnels très pragmatique. À titre d’exemple, elle explique que Fox Studio peut vendre ses programmes à toutes les chaînes, et peut accepter des deals même avec des concurrents. Elle note que, même avec la crise, l’envie de se battre et d’y arriver prend le pas. Sélection de programmes diffusés aux USA Nathalie Wogue s’est davantage concentrée sur les Networks (ainsi que quelques programmes de plateformes) pour établir cette sélection : Le classement par audience des 4 grands Networks US est le suivant : à(Sur les 4ans et +) : CBS, NBC, ABC, La Fox à(14-49 : cible privilégiée) : NBC, La Fox, CBS, ABC
- CBS (Viacom- CBS)
Le groupe à une image assez « old school»; mail il a pris des risques récemment :
- Habituellement :
Des vieux jeux: The price is right Des grosses marques de téléréalité :
- Love Island
- Big Brother
- Undercover Boss
- Extrait vidéo :(format qui a bien marché, et qui a fait parlé de lui …) :
- Tough as Nails: Il s’agit d’un format qui mélange challenges physiques, authenticité et simplicité.
- NBC (ComCast) :
Le groupe a une réputation de prendre plus de risques…
- Habituellement,de grosses marques :
- Got Talent
- The Voice
- Ninja Warrior(succès arrivé par hasard, ils ont testé le jeu sur la petite chaîne du groupe : G4…)
- Better late than never(programme proche d’un « factual entertainment », ce qui n’est pas la norme pour les networks : peut être vu comme une prise de risque pour la chaîne).
- Des adaptations :
- Small fortune(avec des minuscules challenges)
- Des créations : (sur les 2, 3 dernières années)
- World of dance
- Extraits videos:
- The Tighten games(show de physical challenges) – Également une création NBC studio
- ABC (Groupe Disney) :
Le groupe a une réputation d’être conservateur (fan de reboots et de vieilles marques, des vieux jeux), mais ils ont aussi pris des risques.
- Habituellement :
- Family feud
- Pyramid
- To tell the truth
- Who wants to be a millionaire?
- The Bachelor
- Dancing with the Stars
- Shark Tank
- Extraits vidéos:
- American Idol(Étant donné le covid, ils ont réalisé une version confinement)
- 2 prises de risques :
- Don’t(à la fois divertissant et drôle)
- Welcome to Holey Moley(thématique du mini-golf)
- La Fox (une grande partie vendue à Disney)
- Habituellement, des marques solides :
- Masterchef
- Flirty dancing
- Mask singer
- Mental samourai
- I Can See your voice
5- Les plateformes SVOD NETFLIX Nathalie Wogue note qu’il y a de plus en plus de formats unscripted sur cette plateforme, à l’image de The Circle. Au festival d’Edimbourg, Netflix s’est positionné comme plateforme à la recherche aussi de formats de flux (unscripted).
- Quelques exemples:
- Rhythmic + Flow
- Too hot to handle
- Love is Blind
- Sing on (le talent show de Karaoke de la plateforme)
AMAZON
- Quelques exemples :
- Love Island
- Worlds’ tougher race
Nathalie mentionne également les autres plateformes que sont Disney +,Apple TV et Peacock(peu fournies en termes de formats unscripted, en tout cas pour les 2 premières) Enfin,elle ne manque pas de citer un format apparu surFacebook Watchpour souligner le potentiel des « plateformes/réseaux sociaux » à permettre l’interactivité : le format Make up or break up. À cet égard, Nathalie attire notre attention sur le fait qu’en terme de plateformes hybrides, la Chine semble avoir une longueur d’avance. Leith Louzir conclut en remerciant Nathalie Wogue pour cette présentation riche, et le partage de son expérience du marché américain des formats. Il clôt enfin la session en rappelant que la prochaine session de veille de la Fabrique des Formats sera dédiée au benchmark des dernières nouveautés dans l'univers des formats sur le plan international. Elle sera présentée par Virginia Mouseler de The Wit à traversune vidéo préenregistrée dont le lien pour y accéder sera envoyé aux inscrits.