Le Casting en 2020
En présence de Jennifer Teixido
Co-fondatrice de l’Agence Origines
Session du 17/12/2020
Présentation de Jennifer Teixido Bercée depuis petite par les émissions de témoignage (de Mireille Dumas entre autres), Jennifer Teixido commence sa carrière en tant que stagiaire assistante de Prod. Elle y prépare notamment les tournages d’émissions comme Morning Café pour Studio 89. Tout au long de sa carrière, elle aura par la suite l’occasion d’enchaîner les rôles d’assistante de casting, de chargée de casting, puis directrice de casting pour des programmes de téléréalité pour de nombreuses sociétés de productions : EndemolShine (L’amour est aveugle, Secret Story, Masterchef sur TF1) ; ITV Studios (4 Mariages pour une lune de miel pour TF1) ; Ah! Prod (La villa des cœurs brisés sur NT1, Mister France sur NRFJ 12) ; Banijay (Les Marseillais contre le reste du monde sur W9) ; Studio 89 (Mariés au premier regard , Incroyables transformations, Audition secrète, Le sens de l’effort) ; Studio Lambert (The Circle Game France pour Netflix). Ancienne directrice de casting de TF1 production, elle co-fonde l’agence de talents Origines. Dans ce cadre, elle travaille notamment pour Rythm+flow, un programme pour Netflix autour du rap (produit par Black Dynamite). Depuis octobre 2020, elle intervient également au sein de l’Efap où elle partage son expérience auprès d’étudiants en production audiovisuelle.
LES ETAPES DU CASTING Après s’être présentée, Jennifer Teixido introduit son propos en rappelant les 4 grandes étapes du casting : 1/ Le Questionnaire / la phase de recherche Depuis la mise en place de la loi sur la RGPD concernant la protection des données personnelles en vigueur depuis 2016, le repérage de talents/candidats nécessite qu’il y ait une action positive de la part de la personne qui souhaite passer le casting. Jennifer Teixido explique que cela a rendu plus complexe la possibilité de réaliser des « castings sauvages » ou via les réseaux sociaux. Cela a conduit à une « normalisation » du process via des logiciels assez onéreux (et que toutes les sociétés de production ne possèdent pas forcement) de « casting machines ». 2/ La phase de casting Durant cette étape de rencontre avec les potentiels futurs candidats, c’est surtout du matériel à prévoir. En général cela ne représente pas un coût énorme dans le budget : une lumière et une caméra… 3/ Le montage pour les sessions de screening Jennifer Teixido précise que le montage des rushs (« screens ») issus du casting est réalisé non pas par des monteurs professionnels, mais des « collaborateurs esthétiques ». Elle souligne le fait qu’il est toujours complexe de réduire les screens dans le souci de retranscrire au mieux l’essence du potentiel d’un participant (candidat, talents, … etc. selon les émissions). En général, il convient d’arriver à un screen d’une durée de 2’30 par candidat. 4/ La présentation chez le diffuseur Souvent très bien accueillie : Jennifer Teixido décrit cette étape comme un moment de détente pour les directeurs de programmes. LA BIENVEILLANCE - Le lien avec la psychologue Confiance et transparence Jennifer Teixido rappelle l’importance de la bienveillance : « si le candidat est dans une bulle d’authenticité, il va être meilleur en tournage. C’est du donnant donnant, l’idée est qu’il soit conscient que le but est de le sublimer. » Elle explique que plus on est transparent sur le cadre avec les participants dès le début, plus on leur permet d’avoir davantage confiance en tournage, et plus ils auront tendance à « donner plus ». Elle souligne que cela permet d’autant plus d’appréhender le moment de la diffusion, période qui n’est jamais simple à gérer pour les candidats en proie à la critique. C’est une étape importante qui permet d’éviter des réactions « anti-prod » par la suite. À cet égard, Jennifer donne l’exemple du comportement très sain de Studio Lambert, la société de production britannique avec qui elle a collaboré pour The Circle France diffusée sur Netflix. Elle explique que la société a pour habitude de réaliser un entretien avec les candidats en amont du tournage pour les tenir au fait des potentiels risques que pourraient générer leur exposition médiatique soudaine. Dans cette optique, la production n’hésite pas à les informer sur les questions liées à la postproduction et au montage afin de les préparer à toutes les éventualités avant qu’ils ne s’engagent. L’accompagnement d’un psychologue (question de A. Pontoizeau) Jennifer Teixido explique qu’à titre personnel elle s’intéresse beaucoup à la psychologie. Elle explique faire avant tout beaucoup confiance à sa forte sensibilité et à son ressenti. Elle ajoute qu’en effet, elle a l’habitude de travailler avec une psychologue. Leur collaboration est utile pour analyser certains profils de candidats. Il arrive souvent qu’elles accompagnent les candidats en déconstruisant les discours de « je veux être une star » (ce « qui ne veut pas dire grand-chose »). Bien souvent certains arrivent avec de fausses motivations. La moins bonne expérience (question F. Bertrand) Jennifer Teixido réalise la chance qu’elle a eu d’être peu confrontée à « des expériences négatives ». Elle fait mention d’une expérience de « casting sauvage » en Belgique chez une gérante de maison close dont elle garde le souvenir d’un milieu violent. Au-delà de cet exemple anecdotique, elle ajoute qu’il a pu lui arriver d’avoir des échanges passionnés avec certains producteurs concernant par exemple le choix d’un participant. CASTING POUR NETFLIX Jennifer Teixido raconte que l’expérience de collaboration qu’elle connait avec Netflix est très positive. Elle note que la filière française de la plateforme laisse une grande liberté à la production. En termes de casting, ils restent très ouverts aux propositions, et ne cherchent pas absolument à cocher des cases à travers un brief très détaillé et sont à la recherche de contenus innovants. Ils font ainsi preuve d’une grande écoute face à l’expérience des producteurs et se permettent de prendre des risques. LE CASTING ET LE CONFINEMENT Des conditions de casting modifiées Jennifer Teixido raconte que durant la période de confinement le rythme n’était pas particulièrement moins soutenu, au contraire. En revanche, c’est dans la manière de faire que cela a eu des conséquences. Les logiciels de visioconférence sont évidemment devenus des outils indispensables pour réaliser les castings et entretiens des candidats. Elle précise que pour pallier le fait de ne pas pouvoir voir leur silhouette en entier, elle n’a pas hésité à leur demander d’envoyer des images d’eux en plan large en complément. Jennifer explique que les voir bouger en live donne beaucoup d’indications lors d’un casting. Elle explique que le premier programme pour lequel elle a travaillé dans le contexte du confinement était Good Singer. Il s’agissait donc en partie de caster des talents (vocaux). à Le casting s’est ainsi surtout réalisé en « piochant » parmi des fichiers de candidats ayant déjà participé à des émissions musicales (pour repérer les talents musicaux du programme), et parmi les fichiers de candidats d’émissions de divertissement dont la production dispose (pour trouver les « faux chanteurs » du format). Mais réaliser ce genre de casting est toujours étrange explique Jennifer Teixido, car les candidats ne savent pas forcement pourquoi ils sont là. C’est à ce titre qu’une relation de confiance doit tout de suite être installée entre les équipes de casting et le candidat. à La production voulant garder le casting confidentiel, aucune annonce officielle n’était possible. Dans ce cas, il peut arriver que les productions / casteurs postent des annonces déguisées en restant flou sur le programme. Concernant le casting pour Rythm+Flow sur Netflix, Jennifer Texido raconte que l’étape de casting s’est déroulée en 2 temps : un premier de recherche assez intense avec de nombreux appels téléphoniques et conversations en visio, et un deuxième d’une semaine de rencontres en présentiel. L’apport des réseaux sociaux Jennifer Teixido explique qu’aujourd’hui avec les réseaux sociaux, on peut trouver tous les types de personnes que l’on veut ! Elle précise que, par expérience, le casting sauvage est assez agressif (c’est à cet égard qu’elle préfère par exemple envoyer des casteurs femmes sur le terrain pour éviter tout malentendu). Elle note tout de même que le confinement et la période de « scène ouverte » où les gens se filment depuis chez eux » sur les réseaux a complètement facilité le process. Jennifer Teixido note tout de même que bien souvent les internautes ont réalisé ces vidéos à titre de loisir sans forcément avoir une volonté d’aller plus loin dans la professionnalisation de leur talent. LA SYNERGOLOGIE Jennifer Teixido explique qu’elle utilise beaucoup la synergologie dans son quotidien : c’est-à-dire l’analyse de la communication non-verbale. Tout élément de gestuelle a une signification. Se gratter le nez, froncer les sourcils, un changement de position, donnent en fait beaucoup d’informations sur la personnalité d’un candidat et sa manière de penser. Ce sont, d’après elle, des outils très utiles à son métier de casteuse où l’aspect « langage corporel » est scruté. AUTRES QUESTIONS :
- L’établissement d’une liste de « profils types » en amont ? (L. Hassler)
Jennifer Teixido explique que suite au brief de la production, elle suggère de proposer une liste de typologies de personnes et d’histoires. Cela donne ensuite souvent lieu à des aller-retours entre elle et le producteur afin de préciser les choses. Il peut arriver par exemple qu’un profil convienne davantage pour une saison 2, auquel cas le producteur peut demander au chargé de casting d’être plus direct dans le recrutement. Jennifer explique qu’elle demande à ses équipes de composer leur échantillon : à 50% de talents qui correspondent au brief, et à 50% de surprises en leur laissant le champ libre pour intégrer des profils inattendus.
- Comment est composée l’équipe ? (A.Pontoizeau)
En général, la directrice de casting est secondée par un coordinateur de casting qui intervient comme un manager d’équipe. Son rôle est très utile quand l’agence doit gérer plusieurs castings en même temps avec des équipes qui tournent… Les équipes sont quant à elles composées de chargés de castings. Jennifer Teixido explique qu’elle aime faire en sorte d’y associer des profils juniors avec d’autres plus confirmés. Elle fait son « casting d’équipe » en fonction de ses émissions. Pour Rythme+flow (concours de rap) par exemple Jennifer souligne que son équipe était par exemple composée : - d’un casteur (univers musical) – expert Talent Show - d’un casteur qui a une grande sensibilité sur l’enquête - et un casteur néophyte (qui n’a jamais réalisé de casting auparavant), mais expert sur l’univers du rap. Elle lui a fait une formation express sur l’écoute en casting en amont, et explique qu’elle pourra du coup continuer à collaborer avec lui par la suite pour d’autres émissions. Jennifer explique enfin qu’elle adapte aussi ses équipes en fonction des moyens, et du temps qu’elle a pour caster. L ’idée est avant tout de soulager la production, faire en sorte que la question du casting n’apparaisse pas comme une contrainte (avant et pendant le tournage) pour le producteur qui a déjà beaucoup d’imprévus à gérer.
- L’encadrement sur les tournages ?(F. Bertrand)
Jennifer Teixido précise que selon les productions, le travail des équipes de casting ne s’arrête pas pour autant tout de suite après le début des tournages. Il arrive bien souvent qu’elles jouent le rôle de nounous (« cordes ») auprès des candidats, notamment en début de tournage. En général, leur rôle est double : soulager la production et faire en sorte que les candidats se sentent bien, mais ces nounous ont aussi un rôle éditorial car elles permettent de transmettre tout ce qui se passe en off à la production étant donné le lien privilégié qui s’est tissé depuis le début et qu’il ne faut pas défaire.
- La transmission de vos connaissances de ce métier relativement nouveau ? (D. Bensoussan)
À la question de savoir si Jennifer Teixido n’a jamais songé à transmettre son savoir faire de ce métier, que ce soit au travers d’une formation, ou d’un écrit, elle répond qu’elle intervient justement à l’Efap pour partager son expérience à des étudiants en master de production audiovisuelle. Elle rappelle en effet, qu’étant donné la relative nouveauté de ce métier, plusieurs philosophies et manières de faire coexistent. Elle reste persuadée qu’il n’y a pas meilleure formation que le terrain, et ce, d’autant plus qu’en casting chaque personne rencontrée et chaque expérience sont différentes. Il s’agit davantage d’un savoir-faire et de qualités relationnelles que l’on acquière avec l’expérience. Après s’être assuré qu’il n’y avait pas d’autres questions, Leith Louzir conclut en remerciant Jennifer Teixido pour le partage de son expérience des coulisses du Casting en 2020. Il clôt enfin la session en souhaitant de belles fêtes de fin d’année à tous de la part de toute l’équipe de la Fabrique des Formats qui a hâte de les retrouver pour les futures sessions prévues pour 2021. 20201217- FDF -Session de veille - Jennifer Teixido - Agence Origine.docx