Dans un article précédent, nous avons défini la notion de format audiovisuel. Dans ce nouvel article, nous allons nous intéresser à la protection juridique des formats afin de vous aider à entreprendre les bonnes démarches pour protéger un format audiovisuel. En France, plusieurs règles juridiques permettent aux auteurs de protéger ou de défendre leur création de format : le droit d’auteur et les règles de la concurrence déloyale et du parasitisme. La difficulté à protéger un format audiovisuel tient à son énoncé en ce qu'il s'agit du cadre, de la formule ou mode d'emploi d'un programme audiovisuel futur. La problématique juridique des formats n’est dès lors pas différente de celle connue dans d’autres domaines, comme par exemple les jeux de société, pour lesquels se pose la question de savoir comment protéger une règle, une formule ou un concept. Pour les formats audiovisuels, ce qui est protégé n’est pas le concept mais la forme originale qui est donnée à cette idée. Pour être protégeable, le format doit donc mettre en forme l'idée, le projet d'une émission télévisée en exposant son cadre, sa toile de fond, élaborés à partir d'élements constants permettant la réalisation d'émissions ultérieures basées sur le même modèle, avec le cas échéant des variations (voir notre article : Qu’est-ce qu’un format audiovisuel). Si le format se réduit à un simple concept, alors ce n’est pas un objet de droit et ce n’est pas protégeable juridiquement. Une idée ne peut pas être privatisée, une idée est libre de parcours. Pour être susceptible d'être protégé ou défendu, un format doit être détaillé et formalisé.
Le droit d’auteur pour protéger un format audiovisuel
Un format TV donne lieu à une œuvre audiovisuelle. Le droit d’auteur ne protège ni les idées ni les concepts. Pour protéger une œuvre, celle-ci doit répondre à deux conditions :
- La forme : que l’œuvre soit achevée ou non, elle est susceptible d'être protégée par la simple existence de sa forme tangible. La forme s’exprime dans l’expression (le style, les phrases …) et la composition (la structure, le plan, le synopsis …).
- L’originalité : à ne pas confondre avec la nouveauté, l’originalité est l’empreinte de la personnalité de son auteur. Il s'agit des choix libres et créatifs réalisés par l'auteur pour créer l'oeuvre.
Les notions de concurrence déloyale et de parasitisme pour défendre un format audiovisuel
La concurrence déloyale et le parasitisme trouvent leur fondement dans l’article 1240 du code civil (ex art. 1382) : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». La concurrence déloyale suppose une situation de concurrence (entre deux sociétés de production audiovisuelle par exemple) à la différence du parasitisme. Celui qui invoque la concurrence déloyale doit établir l’existence d’une faute, tenant à une atteinte portée à l’exercice loyal de la concurrence (comportement déloyal et risque de confusion), un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Pour le parasitisme, la faute tient au fait de profiter sans bourse délier, de manière illégitime, des efforts, du savoir-faire, des investissements d’un autre agent économique La concurrence déloyale est de plus en plus difficilement reconnue par les juges. Les premières décisions sur les formats sont intervenues sur le fondement de la concurrence déloyale; aujourd’hui la jurisprudence est plus exigeante, notamment s'agissant de la matérialité du préjudice. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie doit être respecté. La concurrence déloyale va être admise s’il y a notamment la preuve rapportée d’un risque de confusion, le parasitisme va être admis s’il y a notamment la preuve rapportée des investissements réalisés. A la différence du droit d’auteur qui offre un cadre de protection complet par les prérogatives morales (droit de divulgation, droit à la paternité, droit au respect et à l’intégrité de l’œuvre et droit de retrait et de repentir) et patrimoniales (monopole exclusif d’exploitation avec les droits de reproduction et de représentation) reconnues à l’auteur d’un format audiovisuel, la concurrence déloyale et le parasitisme ne permettent que de faire sanctionner des comportement déloyaux.
Protéger juridiquement un format audiovisuel, les démarches
A la différence d'un brevet ou d'une marque, une œuvre est protégeable sans dépôt. Elle est protégée du seul fait de sa création. Aucune formalité n'est nécessaire. Mais si un droit existe, il est parfois difficile d’en rapporter la preuve. L’absence de dépôt peut donc conduire à des difficultés pratiques, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer qui a fait quoi et à quelle date. Pour protéger efficacement un format audiovisuel, nous vous recommandons d’effectuer un dépôt à titre probatoire notamment pour établir le contenu et la date de création de l'œuvre. Plusieurs méthodes sont possibles :
- Auprès d’un organisme de gestion collective (SAJE, SACEM, SACD, etc.)
- A l’INPI avec l’enveloppe SOLEAU
- En lettre recommandée avec accusé de réception à envoyer à soi-même et à ne pas ouvrir à la réception
Accords de confidentialité
Lorsque vous présentez votre format à de futurs partenaires, la signature d’un contrat de confidentialité est recommandée Pourquoi ? Afin de régir la confidentialité des informations échangées entre les futurs partenaires de l’exploitation du format, et éviter que les éléments du format ne soient repris. Cela oblige les parties à ne pas divulguer les informations communiquées et cela prouve également la communication des éléments du format. Quand ? Le plus tôt possible, dès la communication des éléments du format (dès le pitch) Sur quoi ?
- La définition des informations confidentielles
- La durée de l’obligation de confidentialité
- En annexe, les éléments communiqués
Si la confidentialité est rompue, l’auteur du format aura notamment droit à des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi.
Création de format audiovisuel sous contrat salarié
L’existence d’un contrat de travail ne signifie pas que le salarié perd ses droits d’auteur. La conclusion d’un contrat de travail n’emporte pas cession des droits d’exploitation de l’auteur salarié au bénéfice de l’employeur. Avant d’exploiter la création de son salarié, l’employeur doit disposer d’une autorisation ou d’une cession de droits de l’auteur salarié contre rémunération. L’employeur ne peut pas demander à l’auteur salarié de céder d’avance les droits de ses œuvres futures.
Sources principales en France du droit d’auteur
Nationales : - Le code de la propriété intellectuelle : lois, décrets et arrêtés - Les créations prétoriennes : la jurisprudence des tribunaux, cours (appel et cassation), avec la compétence des Tribunaux de Grande Instance (TGI, devenus Tribunaux Judiciaires) spécialisés - Les pratiques : les usages et les codes des usages Internationales : - Le droit communautaire : règlements, directives (harmonisation des droits nationaux), décisions de la CJUE (Cour de Justice de l’UE) - Les traités internationaux (droit conventionnel) : Convention de Berne (1er septembre 1886) pour les auteurs, Convention de Rome (26 octobre 1961) pour les droits voisins
La Fabrique des Formats, avec nos remerciements à Xavier Près, avocat, spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et en droit des nouvelles technologies, de l'information et de la communication
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