Bio - Julien Neutres, Directeur de la création, des territoires et des publics au Centre National de du cinéma et de l'image animée (CNC)
Avant de rejoindre le CNC en 2014 comme conseiller de la Présidente Frédérique Bredin, Julien Neutres a été en charge du suivi des interventions publiques dans les industries culturelles, les médias et l'économie numérique au Ministère de l’Economie et des Finances. Ancien élève de l'ENA, docteur en histoire (EHESS) et diplômé de l'ESSEC, il a une expérience de plus de 8 ans dans le secteur privé. Il est en parallèle enseignant à HEC sur l'économie de la culture, et auteur de livres sur le cinéma italien et l'écriture cinématographique de l'histoire.
La Direction de la création, des territoires et des publics du CNC, dirigée par Julien Neutres, a pour mission d’accompagner le renouvellement des formes et des talents, à travers notamment le premier fonds d'aide dédié aux créateurs vidéos sur internet.
La nouvelle politique numérique du CNC
Lorsque Netflix se déploie en France en 2014, cela engendre de nombreuses réflexions au niveau politique comme industriel. Face à cela, Julien Neutres souhaite renforcer la visibilité de l’offre numérique légale, valoriser l’offre française, qui est très éclatée, et aider au développement de la création française.
Le recensement des offres légales
La première faille repérée par le CNC était l’absence d’un service de référencement de l’offre légale ; il a donc provoqué un dialogue entre tous les acteurs du secteur, en vue de générer des actions communes pour améliorer la visibilité de l’offre numérique légale. Dans la maturation de ce marché, il y avait un besoin essentiel de rapport direct entre les consommateurs et les pourvoyeurs d’offre. Plutôt que de créer un service ad hoc, le CNC s’est entretenu directement avec les acteurs capables d’offrir ce service (Allociné, Télérama, Google). Une fois les informations rassemblées par le CNC, les sites ont accepter de les afficher.
Le CNC a décidé de développer un régime de soutien pour les plateformes VOD qui respectent certaines conditions, notamment la domiciliation en France (OCS, Univers Ciné, Canal Play…).
La lutte contre le piratage
En parallèle, le CNC a pris part au combat contre les sites illégaux. En travaillant avec les grandes marques, la publicité sur ces sites a été régulée ; un avantage dans la lutte du CNC, et un avantage pour les marques en termes d’image. Pour être rapide, cette démarche devait être volontaire, en concertation, sans menace de légifération. Les acteurs se sont ainsi réapproprié leur responsabilité.
Le CNC se porte également partie civile dans des attaques en justice à l’encontre de sites pirates, accompagné de l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) et cherche à aider les professionnels pour qu’ils se protègent du piratage.
Le développement de l’offre sur les territoires
Les partenariats CNC/régions
Le CNC fonctionne avec plusieurs partenaires, notamment les régions. Au moment de la réforme des régions, Julien Neutres a rencontré tous les nouveaux présidents pour parler de la politique cinéma et audiovisuel. De grandes orientations ont été tirées de ces rencontres, qui ont amené à des propositions concrètes ; l’idée est celle d’un engagement de tous. A titre d’exemple, en termes de financement, lorsque la région met 2€ dans un projet, le CNC met 1€ ; l’investissement dans les projets a également augmenté. La création originale auprès des TV locales est valorisée, ainsi que la présence de médiateurs culturels dans les salles de cinéma, pour permettre des séances accompagnées. Le CNC les répertorie, et le réseau est aujourd’hui fort d’une centaine de médiateurs.
Conséquences de ces mesures, beaucoup de régions deviennent très actives sur le sujet. Les deux principales sont la Nouvelle-Aquitaine et les Hauts-de-France ; suivent l’Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Grand Est. D’autres régions sont très engagées mais ont moins de structuration et de moyens ; toutes sont cependant dans une dynamique positive.
Les modèles de financement varient selon les régions, et les investissements varient selon les sujets et intérêts. Le CNC montre une volonté de politique décentralisatrice, rapport moderne de co-définition.
Les publics
L’éducation à l’image
La question du renouvellement du public est essentielle pour le CNC. Afin de rajeunir ce public, l’organisme mise sur l’éducation à l’image et les actions de diffusion culturelle : 10% à 12% des enfants sont touchés par les dispositifs historiques visant à amener les enfants au cinéma dans les écoles. D’autres initiatives touchent les jeunes publics : le dispositif Passeurs d’Images ou le concours Toi-même tu filmes touchent plusieurs milliers de jeunes par an.
L’objectif est de passer à 100% des jeunes avertis, dans un monde où les enfants créent des images sans même s’en rendre compte, afin de leur faire réaliser qu’il y a toujours une intention, une manipulation derrière une image. Ce travail sur l’image, aussi essentiel que la lecture ou l’écriture, doit être intégré au parcours de l’élève. L’une des propositions du CNC est donc la création d’un petit film en classe pour les CM1/CM2, qui leur permettra d’apprendre de manière ludique et explicative. Enfin, les CDI ont vocation à devenir des lieux de ressource, avec du matériel audiovisuel à disposition. Tout cela représente un travail de fond essentiel avec l’éducation nationale, en discussion avec tous les acteurs (inspecteurs, professeurs…).
L’accompagnement de la création
Le développement est le moment de plus grande fragilité d’une création ; il faut mieux valoriser et rendre plus efficace les aides à la création et les solutions doivent être variées. Il n’est pas normal que certains projets n’aient aucune aide possible. Cet accompagnement concerne l’amont des projets ou des parcours (formation : Femis, écoles de cinéma, lieux de formation continue, solutions d’accompagnement…). L’aide artistique du CNC s’étend au court-métrage, aux premières œuvres.
Le fonds d’aide à la création sur internet
Le Fonds d’aide aux créateurs vidéos sur internet, de 2 millions par an, a été mis en place fin 2017, après de nombreuses discussions avec les différents acteurs. C’est le fonds le plus ouvert ; il aide tout type de création, quel que soit sa durée ou son genre : format, flux, stock… La seule condition est que l’œuvre soit en accès libre et gratuit, sur internet.
Il y a deux types d’aide :
- L’aide à la création : jusqu’à 30k€, toute typologie d’acteurs.
Minimum 10 000 abonnés (seuil de professionnalisation). Seul enjeu : acte de création.
- L’aide à la structuration d’un projet de programme/chaîne : jusqu’à 50k€, aide en deux temps. Regard du CNC sur le business model. Min 50 000 abonnés (chaîne, page facebook, followers…) ; l’aide peut être dédiée à une création de nouvelle chaîne mais il faut avancer une preuve de son travail.
Ce fonds d’aide est vu comme un tremplin, il veut permettre aux acteurs d’émerger puis d’essaimer. L’ouverture à ce nouveau champ a été permise par l’arrivée de nouveaux contributeurs ; fin 2016, la taxe Youtube a fait entrer les plateformes dans les contributeurs du CNC.
Chronologie de l’aide à la vidéo
- Décembre 2016 : vote de la « Taxe Youtube »
- Janvier 2017 : début des travaux, rencontre avec une centaine d’acteurs
- Septembre 2017 : création du fonds
- Décembre 2017 : première consultation, 150 projets reçus, 27 aidés
Le rythme de travail concernant ce fonds est rapide, à l’image du travail des créateurs web. Tout est disponible en ligne et traité de manière dématérialisée. Le pitch vidéo est le pivot central de la candidature du créateur, qui peut ajouter des pièces complémentaires si besoin/envie. Après validation, le paiement est fait sous 3 semaines, et le créateur a 6 mois pour créer le projet ; sauf justification, le CNC demande un remboursement si l’œuvre n’a pas été réalisée. Il y a des commissions tous les deux mois. Parmi les conditions, le créateur s’engage à citer le CNC et à respecter le droit social, c’est-à-dire payer les techniciens. Via ce fonds, le CNC veut intégrer les créateurs dans une démarche de professionnalisation.