Alors que le Covid a impacté l’économie dans son ensemble et bouleversé la filière des industries culturelles, le secteur audiovisuel - et notamment le marché des formats - peut se réjouir de nombreuses évolutions positives depuis 2 ans :
- Dix Pour Cent est adapté sur 11 territoires depuis 2015, du jamais vu pour une fiction française.
- En janvier 2022, Satisfaction a annoncé que le format TV d’Arthur Vendredi tout est Permis allait s’adapter en Russie. Il s’agit du 28e territoire d’adaptation, depuis la 1ère diffusion de l’émission en 2011. Une vraie performance pour le format français de flux le plus exporté dans le monde derrière Fort Boyard.
Ces chiffres sont les marqueurs d’une dynamique. Ils révèlent le potentiel de la France de créer des concepts qui ont du succès à l’antenne et qui s’exportent à l’international.
Mais quelles réalités économiques ces données reflètent-elles sur la capacité de la France à se lancer dans le format ?
DE GRANDES MARQUES INTERNATIONALES
Le format désigne une catégorie de programme à part, résolument tourné vers l’international. Il se caractérise par la force de son concept, universel, une mécanique identifiable, reproductible, déclinable et adaptable sur d’autres territoires.
Des formats, on en a tous déjà regardé...The Voice, Koh Lanta, Top Chef, Fort Boyard, Slam ou encore Tout le monde veut prendre sa place sont présents dans les grilles de programme des diffuseurs depuis plusieurs saisons et fidélisent une large audience. Ils créent des rendez-vous. Koh Lanta a fêté ses 20 ans de diffusion en France quand Top Chef est à l’antenne depuis 2010.
Diffusés sur toutes les chaînes souvent en prime time ou en access, les formats s’adressent à toutes les cibles, même les plus jeunes et sont largement consommés en replay. Depuis 3 ans, ils se font une place de choix dans les catalogues des plateformes (Dating Around, Ultimate Beastmaster, The Circle Game, Celebrity Hunted, LOL qui rit, sort !, Love is blind...) et finalement correspondent bien à la stratégie d’expansion des acteurs de la VOD (Netflix, Amazon Prime, Disney+...) et leur objectif de dupliquer les contenus dans chaque territoire où ils sont accessibles.
ils se font une place de choix dans les catalogues des plateformes (Dating Around, Ultimate Beastmaster, The Circle Game, Celebrity Hunted, LOL qui rit, sort !, Love is blind...) et finalement correspondent bien à la stratégie d’expansion des acteurs de la VOD (Netflix, Amazon Prime, Disney+...) et leur objectif de dupliquer les contenus dans chaque territoire où ils sont accessibles.
👉 Retrouvez le 1er Talk Format consacré à la nécessité de se lancer dans le format en 2022.
L’ECONOMIE DES FORMATS
Il y a, dans le format, une dimension économique intrinsèque, car ces concepts de programmes ont pour ambition première de voyager à l’international sous forme de licences, et de s’adapter sur d’autres marchés locaux. C’est leur modèle et leur source de rentabilité. C’est ce qui fait leur force et pousse les créateurs et les producteurs à imaginer le prochain killer format capable de conquérir bon nombre de marchés simultanément. Le format Qui veut gagner des millions ? a généré plus de 100 ventes depuis son lancement en 1998 au Royaume- Uni, devenant le format le plus vendu dans le monde.
Donc créer un format, c’est, de fait, se positionner sur le marché global et adopter une stratégie qui n’est pas uniquement basée sur le local.
Autrement dit, cela nécessite d’anticiper, dès le développement, le potentiel du concept à l’international et de travailler sur une mécanique forte, déclinable et réplicable, des thématiques universelles qui peuvent trouver une résonnance auprès d’autres publics et cultures.
Le marché des formats demeure puissant à l’international et inclut désormais tous les territoires, des pays prescripteurs, tels que le Royaume-Uni ou les États-Unis – historiquement ces deux pays représentent 50% du marché des formats, 1 format sur 2 est originaire du Royaume Uni ou des États-Unis –, mais aussi des pays plus émergents, la Turquie et la Corée du Sud par exemple. Le format sud-coréen The Masked Singer est désigné par K7 Media en 2020 comme le « Best-Selling Asian Unscripted Format » cumulant déjà 42 ventes depuis son lancement en 2015.
Le modèle économique des formats repose ainsi sur la scalabilité de ces créations et leur destin à l’export mais aussi sur la dimension industrielle du format. Car « faire du format » c’est chercher à créer des rendez-vous récurrents avec le public, c’est tester la dimension sérielle des programmes et se projeter sur plusieurs saisons. Les formats s’inscrivent dans une pérennité à long terme avec l’objectif de cumuler les saisons. Un atout majeur aussi pour les diffuseurs, chaînes de télévision ou plateforme, qui cherchent à créer un lien avec le public, à fidéliser une audience en lui donnant un rendez-vous à ne pas manquer.
Dans l’écosystème de la production de contenus, le partage de la valeur est déterminant. Aujourd’hui, plus que les modes de diffusion, ce sont les contenus qui concentrent la valeur du marché. L’étude que nous menons chaque année à la Fabrique des Formats sur les nouveaux lancements de formats sur le marché français montre que les diffuseurs sont impliqués dans le développement, et co-développent avec les producteurs. Cela implique qu’ils prennent une part de propriété intellectuelle. À l’international, chaque vente génère unformat fee (droit de format sur l’adaptation du concept) négocié par le distributeur avec l’acheteur. En ce sens, le format est assez proche de la logique du brevet qui donne une parentalité à la création, encadre les exploitations et assure à l’ayant droit (ils peuvent être plusieurs) une rétribution sur les acquisitions qui sont faites de son concept, donc de son format.
ET LA FRANCE ?
On a désormais bien en tête les atouts des formats : récurrence, pérennité, potentiel à l’export et on a évoqué les grands formats diffusés sur nos chaînes.
Mais quelle est la place de la France dans ce marché ?
Comme ses voisins européens, le marché français des contenus est historiquement domestique, il reste pendant longtemps autosuffisant. La question d’aller chercher des parts de marché à l’international ne se pose pas vraiment pour les acteurs français. Cela explique que certaines compétences aient été moins développées chez les professionnels, comme larédaction d’une bible commerciale ou encore le pitch qui sont des outils indispensables pour convaincre sur du format papier (c’est-à-dire qu’il n’a pas encore été produit).
👉 Sur le pitch, retrouvez les conseils d’Arnaud Pontoizeau, chargé de formations à la Fabrique des Formats.
Un territoire d’adaptations
Sur les formats, la France est perçue à l’international comme un territoire attractif car nous adaptons beaucoup de formats. Le tissu des producteurs français fait référence en la matière et le marché français est mature, structuré. Notre territoire est suivi de près par les vendeurs internationaux car il constitue des opportunités de deals de formats (options et/ou ventes pour adaptation sur le marché français).
En 2020, parmi les nouveaux formats lancés, 4 formats sur 10 sont des créations françaises et 71% des créations sont produites par des sociétés de production indépendantes. TF1 et M6 sont les diffuseurs à mettre à l’antenne le plus de créations nouvelles, souvent inspirées d’univers déjà connus et appréciés par le public.
Depuis deux ans néanmoins, on observe une dynamique positive sur la création de formats qu’il faut entretenir et encourager. Cela est notamment visible à travers l’export des formats made in France (selon le CNC en 2021 : +12,6% de ventes de formats français à l’international) et la reconnaissance d’un savoir-faire à l’international. Prenons l’exemple de La chanson secrète, diffusée en prime sur TF1. Cette création de DMLS TV est portée à l’international par le distributeur Can’t stop media. Le format est aujourd’hui en discussion dans près de 10 territoires (ventes et options). Cette trajectoire est un cas intéressant et représentatif du
mouvement sur le format. Nous savons que sur le format, la solution se trouve souvent à l’export.
Plus globalement, il y a une tendance importante du marché sur l’adaptation. On peut imaginer que la globalisation et la concentration du secteur ne sont pas étrangers à ce constat. Le recours à l’adaptation tout type confondu est très prégnant actuellement et témoigne aussi de la forte concurrence du secteur et d’une quête d’innovation parfois irréalisée. En 2021,66% des séries de fiction lancées sur TF1 sont des adaptations de fictions étrangères. Vous découvrirez dans un prochain article ce qui se cache derrière cette tendance !
La priorité au local dans un contexte de forte globalisation du marché et de croissance des acteurs de la VOD, internationaux par nature, ne tient plus.
En France, le modèle de financement du secteur est hérité du modèle du cinéma, c’est-à-dire centré autour de la notion d’œuvre. Cette particularité n’encourage ni la création de formats ni la sérialité des contenus. Et au nom de l’exception culturelle française, les guichets publics ont orienté leur politique de soutien à la création d’œuvres audiovisuelles.
Ainsi, le CNC soutient les programmes de stock (fiction, documentaire et animation) et ne finance pas le développement et la production de formats. On peut même considérer que les dispositifs de financement public sont contraires au modèle du format. On le répète : réplicable, industriel et exportable sous forme d’adaptation. Or, il y a un enjeu de souveraineté nationale sur la diffusion de formats et notamment de formats de flux sur les chaînes et plateformes du service public. L’internationalisation des créations françaises est donc un levier de soft power important.
Une des conséquences de cet héritage culturel est aussi l’opposition systématique entre programmes de stock, dont la fiction, le documentaire et l’animation, et de flux. Une spécificité française qui, au-delà d’instaurer une hiérarchie entre les types de programmes – le stock serait de facto plus qualitatif que le flux – semble aujourd’hui dépassée dans un marché où l’hybridation des contenus est massive. Dans son dernier rapport sur les prédictions pour 2022, K7 Media met en avant la tendance de l’hybridation que ce soit en termes de narration, de diffusion ou de modes de financement. On voit bien que la consommation des contenus est aujourd’hui diverse et que les pratiques se cumulent. L’écosystème de la production de contenus est bien plus riche que la dichotomie stock et flux qui fige les dispositifs de soutien.
Plus de made in France à l’international
Chaque année le CNC et Unifrance dévoilent les chiffres des productions françaises à l’export, tous genres confondus. Cela inclut les ventes, les préventes et les accords en coproduction. En 2020, le format représente 10,8% des ventes (vs 9,6% en 2019). Une progression à souligner, dans une année où Fort Boyard n’a pas connu de ventes.
Pendant longtemps, les programmes étrangers réalisaient de meilleures audiences que les créations françaises.
2020 marque le changement. Selon une étude récente du CSA sur la fiction, le top 20 des audiences de fiction correspond désormais à des productions françaises. On ne peut que se féliciter de cette étape qui promeut les talents français et offre des perspectives à l’export, car des programmes de création française plébiscités par le public deviennent des produits intéressants sur le marché international.
Ces différents indicateurs (fortes audiences de la fiction française, succès de plusieurs formats de création à l’international, circulations des marques, consolidation des acteurs) sont des marqueurs de la progression de la France sur le marché des formats.
Quelques exemples
Guess My Age : 22 ventes (3e format français le plus vendu) Un si grand soleil : 2 adaptations étrangères (Grèce et Turquie)
La Boîte à Secrets : 6 nouveaux territoires, dont les USA (par Wheelhouse Entertainment) Des Chiffres et des Lettres : +50 saisons en France, en version prime sur Channel 4
Candice Renoir : 2 adaptations (Russie et Pologne)
👉 Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le marché des formats et les tendances à l’international, inscrivez-vous à notre formation Découvrir le Marché des Formats qui aura lieu les 21 et 22 février 2022 à Paris.
Fiona BÉLIER, Directrice Générale de la Fabrique des Format