Présentez-vous en quelques mots. Quel a été votre parcours, que faites-vous aujourd’hui ?
Je suis la fondatrice et directrice du festival Séries Mania, le plus grand festival international dédié aux séries. Mon parcours est profondément ancré dans le domaine culturel, avec des expériences variées allant de la musique contemporaine au théâtre, en passant par les musées et le multimédia. J'ai notamment dirigé le Forum des Images pendant 15 ans, où j'ai lancé un premier festival consacré aux séries.
En 2017, j'ai été sollicitée par la ministre de l'époque, Fleur Pellerin, pour rédiger un rapport sur la création d'un festival de référence en France, similaire à ce que Cannes représente pour le cinéma ou Lyon pour le théâtre. Mon objectif était de positionner la France comme une terre de festivals de référence, à la fois festifs et professionnels, anticipant les grandes tendances à venir.
Bien que je défendais initialement la candidature de Paris, c'est finalement la région Hauts-de-France et la ville de Lille qui ont remporté l'appel d'offres, ce qui m'a conduit à quitter le Forum des Images en 2017 pour créer la première édition indépendante de Séries Mania à Lille en 2018. Depuis, le festival s'est imposé comme le rendez-vous incontournable des professionnel.le.s de l'industrie, attirant près de 100 000 spectateur.ices.s lors de sa dernière édition.
En quelques mots, quel est le rôle de Séries Mania ?
Séries Mania joue un rôle central en tant que carrefour pour les professionnel.le.s de l'industrie des séries, en se concentrant sur le développement de contenus dès l'idée initiale. Contrairement à d'autres marchés axés sur la vente de séries terminées, Séries Mania met en avant la création et l'innovation à travers des pitchs, des résidences d'écriture, et des échanges sur les tendances du secteur.
En offrant un espace pour la rencontre des scénaristes, producteur.ice.s, diffuseurs et autres acteur.ice.s, Séries Mania facilite une collaboration intégrée dès les premières étapes de la création, tout en étant un observatoire des nouvelles dynamiques industrielles.
Le festival joue un rôle crucial en étant à l'écoute de l'industrie audiovisuelle pour anticiper ses évolutions. En tant qu'outil au service des professionnel.le.s français, européens et internationaux, le festival identifie les enjeux émergents, propose des réflexions stratégiques, et organise des rencontres clés, comme Les Dialogues de Lille, pour aborder des questions cruciales telles que l'intelligence artificielle ou l'avenir de l'audiovisuel. C'est un forum où se croisent décideur.euse.s, créateur.ice.s et acteur.ice.s politiques pour échanger des idées et anticiper les défis à venir.
Quels sont les enjeux à diriger une manifestation aussi importante que Séries Mania ?
Diriger un événement aussi important que Séries Mania implique plusieurs enjeux majeurs. D'une part, il est essentiel de rester connecté.e à l'industrie et de l'écouter pour anticiper ses évolutions. Par exemple, nous avons été précurseurs en mettant en avant des réflexions sur le marketing et en créant un marché des IP, en réponse aux besoins émergents. Notre rôle est de servir l'industrie, qu'elle soit française, européenne ou internationale, en anticipant les défis à venir et en y apportant des solutions concrètes.
Le forum professionnel que nous organisons, comme les Dialogues de Lille, est une plateforme politique essentielle. Il réunit des acteur.ice.s clé.e.s de l'industrie, qu'ils/elles soient américain.e.s, européen.ne.s, ou autres, pour aborder des sujets cruciaux, comme l'intelligence artificielle ou l'avenir de l'audiovisuel européen. Ces discussions permettent de confronter les points de vue et de faire avancer les réflexions collectives.
En somme, Séries Mania est un véritable laboratoire de l'audiovisuel, où se croisent idées, innovations et débats stratégiques.
Quelle est la principale force du festival ? Pourriez-vous nous parler de ses prochains challenges ?
La principale force du festival réside dans son rayonnement international croissant. Après s'être implanté en Europe et aux États-Unis, nous nous tournons désormais vers l'Asie et le Moyen-Orient. Parallèlement, nous avons lancé le Séries Mania Institute, une école qui répond aux besoins de formation à la fois en France et à l'international.
Le Séries Mania Institute propose divers programmes, notamment dans le cadre de France 2030, une initiative gouvernementale pour renforcer la filière audiovisuelle. Nous offrons des formations aux jeunes des Hauts-de-France, souvent issus de milieux défavorisés, leur permettant de trouver leur place dans l'industrie. Un exemple notable est la mini-série réalisée par 20 étudiants, diffusée sur France TV Slash.
Nous proposons également des formations pour les professionnel.le.s, telles que "How to pitch in English," qui attire un public international. De plus, notre programme Eureka-série réunit des jeunes scénaristes et producteur.ice.s européen.ne.s pour collaborer sur des projets communs.
Enfin, nous sommes reconnus pour nos ateliers internationaux, les Serial Bridges, organisés à Taïwan, en Turquie, au Brésil, et bientôt dans d'autres pays. Ces initiatives renforcent non seulement notre expertise globale, mais enrichissent également notre programmation en attirant des séries du monde entier.
Séries Mania est aussi un lieu de formation bien identifié à l’échelle européenne. Est-ce important pour vous de lier le marché professionnel et l’apprentissage ?
Séries Mania est un véritable écosystème où chaque élément est interconnecté, ce qui en fait sa force.
Lier le marché professionnel à l'apprentissage est essentiel pour nous. Par exemple, le Séries Mania Institute se positionne comme une vitrine permettant aux étudiants de se présenter et de s'immerger dans le monde des séries internationales, grâce à des initiatives comme le réseau STREAM, qui regroupe des écoles de séries du monde entier. Ce réseau se réunit lors du forum, offrant aux écoles une plateforme pour échanger et se faire connaître.
Nos programmes de formation, qu'il s'agisse du tremplin ou des résidences d'écriture, sont intégrés dans cet écosystème. Les étudiants sont invités à participer au forum pour présenter leurs projets ou assister aux panels. Cette immersion leur permet de découvrir des séries internationales rares qu'ils ne verraient probablement pas ailleurs, enrichissant ainsi leur formation. Chaque initiative contribue à un tout cohérent, illustrant l'importance de cette interaction entre formation et marché professionnel.
Quelles tendances actuelles observez-vous en matière de fiction ?
Les tendances actuelles en matière de fiction se caractérisent par plusieurs évolutions notables. Tout d'abord, on observe une popularité croissante des séries courtes, parfois limitées à quatre épisodes de vingt minutes. Ces formats, bien qu'ils s'approchent du moyen-métrage, sont désormais considérés comme de véritables séries, permettant une narration condensée et percutante. Cette tendance répond à une demande pour des contenus faciles à consommer, s'adaptant aux rythmes de vie modernes.
Par ailleurs, on assiste à un retour timide mais croissant des "returning series". Après le succès d'une première saison, certaines productions testent l'idée de relancer des séries établies, bien que cette tendance soit encore en phase d'exploration.
Un autre phénomène marquant est le revival des années 90. Les séries actuelles réutilisent les codes de cette décennie, que ce soit à travers la musique, la mode ou l'esthétique visuelle. Cette nostalgie offre un terrain fertile pour l'innovation, où les créateurs se réapproprient des éléments du passé tout en les réinventant pour un public contemporain.
En France, le feuilleton connaît une renaissance après une période de désintérêt. De nouvelles productions, souvent très ancrées dans l'actualité, voient le jour et rencontrent un certain succès. Ces formats offrent aux scénaristes une opportunité précieuse d'affiner leur art dans un cadre qui permet une écriture réactive et pertinente.
Cependant, bien que la qualité des productions actuelles soit indéniablement élevée, une certaine uniformité se fait parfois sentir, notamment dans les grandes productions internationales. Les séries sont souvent bien réalisées, avec des casts de premier ordre, mais elles peuvent manquer d'une touche d'originalité. Ce constat, partagé par certains critiques, souligne le besoin de diversifier les propositions pour ne pas lasser le public.
Néanmoins, des succès inattendus comme Squid Game ou Chernobyl démontrent que l'originalité et l'audace peuvent encore surprendre et rencontrer un succès mondial. Le véritable défi pour les années à venir sera de continuer à encourager cette créativité tout en répondant aux attentes d'un public de plus en plus exigeant. De plus, il sera intéressant de voir comment les jeunes créateur.ice.s, souvent initié.e.s aux formats courts sur les plateformes numériques, pourront s'imposer dans des formats plus longs et plus traditionnels, contribuant ainsi à renouveler le paysage de la fiction.
Les ingrédients essentiels d'une série réussie ?
Une série réussie repose avant tout sur l'originalité et une écriture solide. L'écriture doit captiver, clarifier l'intrigue, et donner envie de suivre l'histoire. Il ne s'agit pas de suivre des recettes toutes faites ou de simplement reproduire des succès existants.
Certes, il existe des règles et une grammaire de l'écriture, mais l'essentiel est de savoir ce qu'on veut raconter. Sans créativité, même les meilleures techniques d'écriture ne suffiront pas.
Avez-vous toujours été une fan de série ? Consommez-vous souvent ce format ?
Je dirais d'abord que je ne 'consomme' pas des contenus. Cette expression est souvent utilisée pour les séries, mais pas pour le cinéma. Je préfère dire que je regarde des séries.
Je n'ai pas toujours été fan de séries. Je ne regardais pas de séries car je n'avais pas la télévision et j'étais formé au cinéma. Ce n'est que plus tard que j'ai commencé à en regarder beaucoup. Mais je ne suis pas tombé dedans jeune.
Quant à considérer les séries comme un de mes formats préférés, je dirais que je m'intéresse à différents aspects culturels, que ce soit le cinéma, le théâtre, les concerts ou la lecture. Les séries répondent aussi à mon appétit culturel, mais elles ne sont qu'une partie de ce que j'apprécie.