Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel jusqu'à présent et des moments clés qui ont influencé votre carrière ?
J'ai tout d'abord commencé par une formation en écriture et réalisation documentaire.
Ensuite, j'ai débuté ma carrière en tant qu'assistant réalisateur, d'ailleurs en travaillant principalement avec des réalisatrices passionnantes qui m'ont beaucoup inspiré.
Après une année et demie à peu près d'assistanat, j'ai eu l'occasion de commencer à travailler en production, un domaine qui m'attirait particulièrement. J'ai décidé de me former au métier dans une cellule qui s'appelait le Centre National de la Documentation Pédagogique. Au sein de cet organisme, qui dépendait de l'éducation nationale, j'ai eu la chance de travailler sur beaucoup de documentaires notamment autour de l'architecture, l'histoire, le voyage ou encore la science.
Puis, après avoir acquis de l'expérience dans la production de documentaires pour la télévision, notamment chez Gédéon Programmes, spécialisée dans les documentaires scientifiques, j'ai dirigé la production d'un magazine hebdomadaire pour France Télévisions “Échappées Belles”. Ensuite, j'ai exploré le monde de la publicité, où j'ai trouvé un rythme effréné et une exigence stimulante, travaillant d'abord avec Bollywood Productions puis avec le groupe Quad.
Mon expérience m'a conduit à fonder Frames Dealer, une initiative visant à valoriser des images inutilisées tout en promouvant des pratiques plus éco-responsables dans l'industrie. Cette aventure, combinant création et responsabilité environnementale, a façonné ma vision et m'a encouragé à partager mon expérience et à contribuer à des projets éco-responsables, notamment au sein de ECOPROD.
Sur quels types de projets travaillez-vous actuellement ?
Je suis revenu à la production, un domaine qui reste ma passion première, pour plusieurs raisons fondamentales. D'une part, c'est un espace où je trouve une réelle satisfaction à accompagner les auteur.e.s et réalisateur.ice.s dans la concrétisation de leurs projets, à donner vie à leur vision du monde et à faciliter leur rencontre avec les diffuseurs, qu'ils soient des chaînes traditionnelles ou des plateformes de streaming.
Cette dynamique de collaboration, où chacun apporte sa contribution pour faire émerger des œuvres uniques et significatives, me passionne et me motive profondément.
Par ailleurs, j'ai également ressenti le besoin de revenir à la production en parallèle d'une activité importante dans le domaine de la formation et de l'enseignement. J'ai la chance d'accompagner des étudiants en Master 2, des jeunes talents qui se préparent à devenir les futurs directeur.ice.s de production, producteur.ice.s ou programmateur.ice.s de festivals. C'est une expérience très gratifiante qui me permet de transmettre mon expérience et mes connaissances, tout en restant connecté avec les aspirations et les valeurs de la nouvelle génération.
En effet, c'est une génération très soucieuse des problématiques sociétales et environnementales. Elle porte un regard nouveau sur les métiers de la production, et je trouve cette expérience stimulante.
Dans mes cours et mes interventions, je m'efforce donc de sensibiliser les futurs professionnels de l'audiovisuel à ces enjeux, en mettant en avant l'importance de l'éco-responsabilité à toutes les étapes de la production. Je les encourage à intégrer ces considérations dès la conception même de leurs projets, en favorisant une communication fluide et un dialogue ouvert entre toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des créatifs, des techniciens, des diffuseurs ou encore des partenaires financiers.
Par ailleurs, je suis également impliqué dans des initiatives de formation continue, telles que la Fabrique des Formats, où j'interviens régulièrement pour partager mon expertise en post-production. Je crois fermement que la qualité du travail réalisé en post-production dépend en grande partie de la manière dont les différentes équipes en amont ont communiqué et coordonné leurs efforts. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité d'une approche collaborative et anticipative dès le stade de la pré-production, afin de garantir une exécution efficace et harmonieuse tout au long du processus de création.
En somme, mon engagement dans la production et dans l'enseignement découle d'une même volonté de contribuer au développement d'une industrie audiovisuelle plus responsable et plus respectueuse de l'environnement, tout en favorisant l'émergence de nouveaux talents et en encourageant l'innovation et le dialogue entre les différents acteurs du secteur. À terme, j'espère pouvoir jouer un rôle encore plus actif dans la promotion de pratiques durables et dans la mobilisation de l'ensemble de l'industrie autour de ces enjeux cruciaux pour notre avenir commun.
Quelle place donnez-vous à l'éco production dans vos réflexions et vos projets ?
Au début du processus de création, une réflexion essentielle s'impose dès l'émergence du désir de réaliser un film : éviter de reproduire ce qui a déjà été fait. Après près de 6 ans passés dans l'industrie du stock shot, j'ai pris conscience de l'abondance des images déjà capturées à travers le monde. Ainsi, il est primordial de procéder à une exploration préalable de ce qui existe déjà, tout en cherchant à apporter une contribution nouvelle et novatrice à l'univers audiovisuel.
Cette étape de conception constitue le premier maillon de la chaîne de production. Ensuite, lors de la phase de production, notamment dans le domaine du documentaire, la nature du sujet influence considérablement la logistique de la production. Il est alors essentiel d'évaluer si le sujet nécessite de nombreux déplacements et d'envisager des alternatives telles que l'utilisation de talents locaux pour limiter l'empreinte carbone.
De plus, il est important d'avoir une analyse approfondie des besoins techniques, une discussion parfois négligée avec les diffuseurs et les commanditaires. Surdimensionner les moyens techniques peut alourdir la chaîne de production et avoir un impact environnemental conséquent. Par exemple, l'usage généralisé de la 4K peut être disproportionné par rapport aux réels besoins de diffusion. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre la qualité technique et la préservation des ressources, en évitant la surconsommation de données et en privilégiant des solutions techniques plus économes en énergie.
En résumé, une approche réfléchie et éco-responsable dès les premières étapes de conception et de production peut contribuer à réduire l'impact environnemental de l'industrie audiovisuelle tout en favorisant l'innovation et la créativité.
Quels sont les défis de la post-production ?
J'ai souligné l'importance de la communication, de l'anticipation et du bon sens en amont du processus de production d'un projet audiovisuel, mais la post production détient aussi un rôle important.
Il est en effet crucial, dès le début d'un projet, de prendre le temps de discuter des formats, des équipements utilisés, de la gestion des données et de l'indexation des rushs, afin d'optimiser les ressources et d'éviter le gaspillage. Cela nécessite une collaboration étroite entre les différentes équipes et une sensibilisation à l'éco-responsabilité à tous les niveaux de la production.
Pour ce qui est de la post-production, l'approche varie en fonction du type de programme. Les émissions quotidiennes ou hebdomadaires exigent une logistique différente par rapport aux projets cinématographiques sur mesure. Les sociétés de post-production sont confrontées à des défis croissants, notamment en matière d'éco-responsabilité, avec l'émergence de technologies telles que l'intelligence artificielle.
Cependant, il existe également des initiatives positives, comme l'utilisation d'énergies renouvelables dans les data centers, ainsi que des pratiques innovantes telles que le cloud computing, qui permettent de réduire la consommation énergétique inutile.
En fin de compte, la transition vers des pratiques plus durables nécessite une approche adaptée à chaque projet et à chaque structure de production. Les petites structures peuvent être plus agiles dans leur approche et mieux adaptées pour intégrer des initiatives éco-responsables, tandis que les grandes entreprises peuvent rencontrer des défis supplémentaires en raison de leur taille et de leur complexité.
Il est donc essentiel d'encourager ces changements à tous les niveaux de l'industrie et de reconnaître les avantages d'une approche plus réfléchie et écoresponsable.
Dans quel contexte FRAMES DEALER a été créé ?
Nous sommes quatre co-fondateurs, dont un réalisateur que j'avais produit lors de mes années à Quad.
Ce projet est né d'une frustration partagée qui a finalement donné naissance à une idée novatrice : l'upcycling d'images non utilisées dans la production audiovisuelle.
Cette initiative est née du constat que près de 80% des images tournées ne sont jamais montées, créant ainsi un gaspillage considérable de ressources créatives et financières.
Confrontés à cette réalité, nous avons décidé de créer une plateforme offrant un accès à des images de qualité artistique et technique irréprochable.
Cette plateforme, conçue pour stimuler la créativité des réalisateurs et des producteurs, repose sur un modèle économique innovant : reverser la majorité des revenus aux créateurs originaux des images. Cette approche, loin des logiques traditionnelles de banques d'images, vise à maintenir un niveau de qualité élevé tout en permettant des économies budgétaires.
Malgré les défis entrepreneuriaux inhérents à cette initiative, notamment en termes de gestion du temps et d'amortissement des investissements, elle a permis de créer une communauté créative mondiale, animée par le désir de créer tout en respectant l'environnement et les valeurs éthiques.
Pouvez-vous partager une expérience ou un projet particulier au cours de votre carrière dont vous êtes particulièrement fier ?
Je suis extrêmement satisfait d'un documentaire que j'ai produit en parallèle du projet Frames Dealer, intitulé Aqua Rex. Ce documentaire, réalisé par Sébastien Moreau, présente l'histoire d'Arthur Guérin-Boëri, un quintuple champion d'apnée dynamique. Ce projet représente une grande fierté pour moi, car nous l'avons financé grâce à un effort collectif, notamment par le biais du crowdfunding, sans le soutien d'une chaîne de télévision. Cette expérience nous a permis de découvrir le monde fascinant de l'apnée et de réaliser un film au contenu éditorial ambitieux. Je suis particulièrement fier de cette collaboration avec Quad, qui vient clore une boucle avec eux.
De même, pouvez vous nous présenter le projet “Ce chemin devant moi” nominé au festival de Cannes.
Effectivement, j'ai été associé à la production de ce magnifique film qui marquait les débuts de Hamé en tant que réalisateur. Hamé est également connu pour être membre du groupe emblématique de rap français, La Rumeur, ce qui était très symbolique pour ma génération. J'ai eu le privilège d'être producteur associé sur ce court-métrage, qui mettait en vedette notamment Reda Kateb dans l'un des rôles principaux. Nous avons eu l'honneur de concourir pour la Palme du court-métrage en 2012, ce qui a été une expérience formidable. C'était ma première expérience dans le domaine de la fiction, et je suis très fier d'y avoir participé.
Pourquoi est-ce important pour vous de former dans le secteur de l'audiovisuel ?
Dans les métiers de l'audiovisuel, particulièrement dans la production que je connais bien, l'apprentissage est souvent une combinaison d'études et de pratique sur le terrain. C'est un domaine où la transmission joue un rôle crucial. Je vois cela un peu comme un compagnonnage. Les méthodes de production ont longtemps stagné, mais aujourd'hui, nous devons les réinventer et prendre en compte l'impact de notre industrie sur la société. Cela inclut l'impact environnemental et sociétal. Les films ont un pouvoir énorme pour influencer les mentalités et favoriser le changement social, notamment en promouvant l'équité, l'inclusivité et la diversité. La formation et la transmission d'expérience sont essentielles pour intégrer ces valeurs non seulement dans la façon de produire des films et les histoires qu'ils racontent, mais aussi dans les modes de diffusion pour toucher des publics variés, au-delà des salles de cinéma et de la télévision traditionnelle.