- Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel jusqu'à présent et des moments clés qui ont influencé votre carrière ?
- J’ai commencé ma carrière il y a environ 15 ans chez Télécom Bretagne (la grande école d’ingénieur située à Rennes). Mon travail portait sur l’étude de la convergence des médias dans le cadre de projets portés par le pôle de compétitivité local. Nous collaborons avec des acteurs majeurs tels que SFR, Orange et Alcatel (entre autres) pour développer des services permettant la visualisation des contenus sur plusieurs écrans (de la télévision à l’ordinateur en passant par le téléphone). Bien que ces usages soient aujourd’hui rentrés dans notre quotidien, ce n’était pas du tout le cas à l'époque, et la matière était donc passionnante.
- Je dirais que le premier vrai moment clé de ma carrière a été mon embauche chez Lagardère Entertainment (depuis absorbé par Mediawan) au sein de la filiale de distribution dirigée par Emmanuelle Bouilhaguet. C’était une société très établie et organisée, et c’était une expérience très formatrice qui m’a permis d’apprendre les rouages de la distribution pendant près de 7 années (en tant que Responsable Juridique Adjoint).
- Le deuxième moment clé de ma carrière : lorsque que j’ai rejoint Federation Entertainment (aujourd’hui Fédération Studios) au tout début de l’année 2019. C’était encore une petite famille il y a 5 ans, et elle a depuis bien grandi. J’y ai été recruté comme directeur du Business Affairs de la distribution, et j’y ai découvert une entreprise à l’esprit « start up » dotée de grandes ambitions. Mes missions se sont progressivement diversifiées au fil des années pour accompagner la très forte croissance de l’activité. A tel point qu’en plus de mes responsabilités au sein de la filiale de distribution de Federation, j’ai récemment créé (avec Hannah Vidal) un autre département dédié à vente et à l’acquisition d’IP (nommé Federation IP360).
- En tant que senior au sein de Federation Studios, pouvez-vous partager quelques défis spécifiques que vous avez relevés dans votre carrière et comment vous les avez surmontés ?
- Rejoindre Federation, une structure jeune et dynamique en hypercroissance, a constitué l'un de mes défis majeurs. Lorsque j’ai été recruté, il m’a fallu anticiper les volumes et les besoins pour tenter d’accompagner au mieux la très forte croissance de l’activité. Il a donc fallu appliquer les enseignements et bons réflexes tirés de ma première expérience chez Lagardère, mettre en place des outils et des process, mais en les adaptant au mode de fonctionnement d’une structure fortement empreinte de liberté, d’agilité et de créativité (qui en font aussi son avantage concurrentiel). Il fallait en quelque sorte grandir vite et bien, tout en préservant l’ADN de Federation. J’ai l’impression qu’on y est parvenu, et je suis très fier de cette réussite collective.
- Avec la création de Federation IP360, comment envisagez-vous d'appliquer vos connaissances et votre expérience pour renforcer la stratégie globale de gestion des droits de propriété intellectuelle au sein de Federation ?
- La création de Federation IP360 a été le fruit d’une réflexion que nous avons mûrie avec Hannah Vidal (mon acolyte dans cette aventure). Hannah était spécialisée dans le scouting et les acquisitions d'IP, tandis que j’étais moi-même spécialisée dans la distribution de programmes (et je chapotais au sein du groupe les ventes de formats et leurs négociations). Au fil de nos échanges, nous avons constaté que nos axes de travail, nos thématiques, et les discussions que nous menions se recoupaient parfois. L'idée de rassembler nos forces (pour les décupler) au sein d’un département unique a émergé naturellement. Cela nous permettrait d’avoir une vision à 360 du marché, d’offrir une approche globale à nos partenaires et de ainsi rendre encore plus fructueuses toutes les discussions et négociations que nous avions avec nos clients externes, mais aussi avec tous les producteurs du groupe Federation.
Notre idée a été immédiatement soutenue par Pascal Breton, président et fondateur, et Lionel Uzan, Directeur Général, et par les directeurs des départements concernés (Acquisition et Distribution). Il nous a fallu quelques semaines pour rendre opérationnel ce département unique en son genre (dans le secteur audiovisuel, les ventes et les acquisitions d’IP sont habituellement gérées par des entités différentes, respectivement par les équipes de Distribution et par des équipes rattachées à la Production).
Quels sont les objectifs clés que vous espérez atteindre avec la création de Federation IP360, et comment cela renforce-t-il la stratégie globale de contenu de Federation Studios ?
Nos objectifs sont multiples. L’un d’entre eux, le plus évident, est de faire fructifier les IP créées par Federation (en favorisant leur circulation au sein du groupe par exemple). Nous avons également pour mission de scouter les IP externes (series, films, livres, podcasts etc.) pour répondre aux besoins créatifs de nos producteurs en France et à l’étranger (Federation a des filiales dans de nombreux pays : USA, UK, Italie, Espagne, Allemagne, Amérique Latine, Israël etc.). Enfin, nous avons également pour objectif de faire croître les revenus générés par la vente de droits de remake des séries et films distribués par Federation. La maximisation de ces revenus additionnels est essentielle à l’heure où le marché se contracte un peu. Cela fait 8 mois que le département a été créé, et les résultats sont prometteurs.
Pouvez-vous partager des détails sur la manière dont IP360 envisage de collaborer avec les producteurs de Fédération à l'échelle mondiale pour répondre à leurs besoins créatifs, et comment cela peut influencer le processus de production ?
Je ne suis pas certain de notre influence sur les processus de production, mais pour répondre à la question sur la manière dont nous travaillons avec nos producteurs chez Federation : bien que Federation soit présent dans de nombreux pays, la grande force du groupe réside dans sa taille humaine, ce qui nous permet d'avoir une communication régulière, et une relation particulière, avec chacun de nos producteurs. Par le biais de réunions mensuelles ou nous échangeons sur leurs besoins et sur nos observations du marché, mais également de manière plus spontanée par des SMS, Whatsapp ou appels. Cette communication ouverte nous permet de construire des relations de confiance avec la plupart des producteurs et donc de travailler plus efficacement avec eux.
Nous cherchons également à créer des synergies entre les producteurs en les encourageant à collaborer sur des IP existantes, à explorer de nouvelles créations, à échanger sur les besoins du marché, sur les demandes des diffuseurs et des streamers, ainsi que sur les thématiques qu’ils explorent dans leurs pays respectifs. Faciliter les échanges entre tous ces talents est un des objectifs que nous nous sommes fixés pour cette nouvelle année.
Pouvez-vous nous donner un aperçu des projets actuels ou futurs de Federation Studios qui bénéficieront directement de l'expertise et de l'implication d'IP360 ?
Il m'est difficile de fournir des précisions à ce stade, car la plupart de nos projets se trouvent actuellement au stade des premiers travaux de développement. Il est donc encore trop tôt pour discuter spécifiquement de ces projets. Mais nous sommes optimistes et confiant que certaines productions seront greenlightées d’ici 12 à 18 mois. Je reviendrai avec grand plaisir à ce moment-là pour partager davantage d'informations.
Dans quels domaines spécifiques IP360 cherchera-t-il à acquérir des propriétés intellectuelles tierces, et quelles sont les principales régions géographiques ciblées pour ces acquisitions ?
Je dirais que le spectre de notre scouting couvre une large gamme de contenus. Nous explorons différents types d’IP, qu'il s'agisse des plus classiquement adaptées (séries, films, livres), mais également des matières plus récentes/ponctuellement adaptées (podcast, jeux videos, jeux de société), bien que leur adaptation soit un peu plus complexe.
En ce qui concerne les territoires : nous regardons ce qui se fait dans le monde entier, même si certains territoires sont plus connus que d’autres pour « exporter » des formats (Israël ou Corée par exemple). Notre recherche reste donc assez étendue, et nous sommes aidés de consultants qui opèrent une veille constante (ce qui nous permet de rester informés des sorties dans le monde entier).
Quels conseils donneriez-vous aux professionnels qui aspirent à des rôles de management dans l'industrie des médias et du divertissement ?
Le premier conseil, très général, et qui s’applique à presque tous les métiers : il n’y a pas de secret, il faut se retrousser les manches, travailler dur et être constant. D’abord pour acquérir des compétences et de l'expérience, car cette phase d’apprentissage est un préalable indispensable pour comprendre pleinement les enjeux et les impacts. Il faut ensuite consacrer du temps et de l'énergie pour former les personnes autour de soi, pour transmettre les compétences et l'expérience. Cette phase de transmission est tout aussi indispensable en ce qu’elle permet de prendre de la hauteur, sur les dossiers, et dans l’organisation. Il faut donc travailler pour faire ses preuves, et c’est assez rassurant au final. Surtout pour des jeunes qui débutent.
Un conseil supplémentaire : il faut être curieux, ne pas se brider, ne pas s’imposer soi-même des barrières inutiles. On est tous multi-facettes, on n’est pas seulement la fonction pour laquelle on a été embauché. C’est super important d'aborder chaque journée de travail en gardant à l'esprit que demain on peut être bien plus que ce qu'on était hier. J’ai bien conscience que c’est un peu « cheesy » dit comme cela, mais regardez, je suis juriste de formation, et pourtant je fais moi-même plein d’autres choses.
Pouvez-vous partager une expérience ou un projet particulier au cours de votre carrière dont vous êtes particulièrement fier ?
Pour faire le lien avec ce que je disais juste avant sur l’importance de ne pas se mettre de barrières : une de mes petites fiertés, c'est notamment la création de ce nouveau département il y a huit mois avec Hannah. Créer ce département, c’était sortir de ma zone de confort. Créer cette activité, c’était me déplacer, me dépasser.
Cette fierté personnelle est doublée d’une fierté plus collective : celle de faire partie de l’aventure Federation, une entreprise dans laquelle les clés sont souvent données aux salariés, qui les encouragent à être créatifs, à entreprendre et à casser les lignes. Créer un département comme IP360, cela aurait été très compliqué, voire impossible, dans beaucoup d’entreprises du secteur. Chez Federation, il a fallu moins d'un mois, pour que l'idée du département aboutisse à sa mise en place effective. Donc fier d’avoir repoussé mes limites, et encore plus fier de l’avoir fait avec mes camarades de Federation.
Comment voyez-vous l'avenir de l'industrie des médias, en particulier en ce qui concerne la gestion des droits de propriété intellectuelle, et quel rôle pensez-vous que Federation IP360 jouera dans cette évolution ?
Les évolutions du marché sont difficilement anticipables : année après année, on observe des services se lancer, d’autres fusionner, certains cesser d’opérer. Difficile de prédire à quoi ressemblera précisément le(les) marché(s) dans quelques années. Une chose est sûre : les grandes plateformes semblent surveiller de plus près leurs dépenses, ou du moins souhaitent rentabiliser au maximum leurs investissements. On assiste par ailleurs à une concentration des grands groupes de médias (comme l'attestent encore les discussions récentes entre Warner/Discovery et Paramount). Ce double phénomène suggère que du point de vue des IP, il y a un risque de concentration au sein de certains grands groupes : ces mastodontes pourront soit les détenir dans leur propre catalogue (et les rendre difficilement accessibles à des tiers), soit être les mieux armés pour acquérir de manière globale des IP tierces (en raison de leurs ressources financières et opérationnelles).
Dans ce contexte, notre (modeste) rôle au sein de Federation IP360 consiste non seulement à nous assurer que Federation continue de tirer le meilleur de ses propres IP, mais aussi à tout faire, grâce aux relations établies avec nos partenaires et talents, pour que nous restions parmi les mieux placés pour acquérir les IP d'hier, d'aujourd'hui et de demain (car elles sont cruciales pour nos activités de production).