Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel jusqu'à présent et des moments clés qui ont influencé votre carrière ?
Mon parcours a débuté avec des études de langue et littérature en Espagne, à Barcelone. Après ma spécialisation en littérature française, l'idée de m'installer à Paris a germé dans ma tête. Initialement prévu pour une thèse sur l'écriture automatique chez les dadaïstes, mon destin a pris un tournant inattendu lorsque j'ai atterri à Radio Nova, devenant manageuse d'un groupe de punk rock. Mon accent a ensuite ouvert les portes de l'animation radio, d’abord à Radio Nova puis à Radio France, où j’animais une émission de 23h à 1h du matin appelée “La chica de la radio siete”. J'ai aussi créé une émission radiophonique primée appelée "Malicia", où je m'écrivais des lettres à moi-même.
Mon exploration dans le monde de la télévision a été marquée par des expériences variées, de la musique aux documentaires sociaux. J'ai travaillé avec Pascal Bregnot à TF1, et j 'ai réalisé énormément de reportages. Puis j’ai rencontré Mireille Dumas, que j'ai rejoint et avec qui j’ai collaboré pendant huit ans en réalisant de nombreux reportages sur des sujets de société comme la drogue, la violence conjugale ou la prostitution.
Mon parcours télévisuel a atteint un nouveau stade lors de la création de la première émission de téléréalité en France, "Le Loft", une étape qui a changé ma carrière. Après cela, j’ai produit des émissions telles que “Mon Incroyable fiancé”, “Greg le millionnaire”, “L'île de la tentation”, “Qui veut épousé mon fils” ou encore “Queer”. Ensuite, j’ai été directrice des programmes de télé réalité et du développement à TF1 et ai introduit des marques comme "Secret Story" et "Baby Boom" mais aussi travaillé sur des projets comme “Koh Lanta”. Ensuite, j'ai décidé de créer ma propre société de production, "La Chica Production". Je continue d'explorer de nouveaux formats dans le flux et dans la fiction en France et en Espagne et de transmettre mon savoir-faire en collaborant avec des institutions éducatives. Mon engagement persiste dans la création et l'innovation, marquant chaque étape de ma vie professionnelle.
Quels sont vos projets professionnels actuels ?
Ces derniers mois, j'ai travaillé en collaboration avec Benjamin Castaldi sur la création d'une fiction. L'idée a pris forme il y a environ un an, avec des épisodes prévus pour une plateforme, en coproduction avec Fédération. Cette fiction a un ton particulier, évoquant un esprit de guerre, comparable à l'atmosphère de "La Casa de Papel" ou "Squid Game".
Les huit épisodes seront diffusés sur une plateforme mais la télévision sera présente avec des références à Benjamin et moi-même. Parallèlement, je travaille sur une autre fiction, en coproduction avec l'Espagne.
J'ai aussi lancé une nouvelle création intitulée "We are Open", lancée depuis le 1er février sur une nouvelle plateforme digitale appelée OHO. Le programme met en scène huit personnes cherchant l'amour dans un loft au cœur de Paris. L'interaction avec le public est une nouveauté majeure, où les téléspectateurs peuvent influencer le déroulement de l'émission en rencontrant les participants en "date". Cette approche déconcerte un peu les codes traditionnels de la télé-réalité, avec une touche technologique intéressante.
En parallèle, je travaille sur un projet qui ressemble à une pièce de théâtre, impliquant des amis et des acteurs cubains, américains et espagnols.
C'est une diversité de projets captivants, allant de la télé-réalité novatrice à des expériences plus artistiques et théâtrales.
Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui aspirent à des rôles créatifs dans l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel en général ?
Je crois fermement en l'importance de la créativité, surtout dans l'industrie télévisuelle et cinématographique, qui a connu son âge d'or. Les femmes ont toujours été aussi capables que les hommes sur le plan créatif, bien qu' historiquement elles aient dû se battre davantage pour être reconnues. Être féministe est essentiel pour moi, et je m'efforce de placer des femmes à des postes clés dans tout ce que j'entreprends. Les femmes doivent se battre pour occuper des postes de création, mais aussi des postes de pouvoir pour vraiment influencer le changement. L'inégalité persistante nécessite une lutte continue. Mais les hommes doivent prendre part en déconstruisant leur mentalité pour créer une véritable égalité. Ma volonté a toujours été de changer les structures patriarcales et de progresser vers une véritable égalité, et j'invite toutes les autres femmes, dans l'audiovisuel ou pas, à le faire.
Pouvez-vous partager une expérience ou un projet particulier au cours de votre carrière dont vous êtes particulièrement fière ?
J'ai été extrêmement fière de nombreux accomplissements durant ma carrière, particulièrement de mes documentaires, notamment pour l'émission Infrarouge.
Mais, ce dont je suis le plus fière, c'est le lancement réussi de "Mon incroyable fiancé" qui a attiré près de 10 millions de téléspectateurs pour la finale, un exploit dans le domaine de la production télévisée. La fusion de réalité et de fiction dans certains programmes, a également été un accomplissement majeur pour moi.
En 2005, j'ai lancé un programme qui a duré une saison en raison de son coût élevé, mais cela m'a rendu fier car c'était le premier programme de lifestyle porté par des hommes. Il s'intitulait "Queer". Ce programme positif a eu un impact significatif sur la représentation des minorités à la télévision, notamment des personnes homosexuelles.
J'ai toujours cherché à changer les mentalités en intégrant des minorités dans mes programmes, contribuant ainsi à casser les codes de la télévision. En fin de compte, je suis fière de pouvoir mêler l'humour, la surprise, le sens et l'engagement social dans mes différentes réalisations.
Plutôt L'île de la tentation, Secret Story ou Star Academy ?
Sans hésiter "L'Île de la tentation", un programme que j'ai chéri malgré les critiques. Les deux jours alloués pour chaque épisode laissent une liberté totale dans la réalisation, et je m'en occupais avec passion. Les moments de fête, de drague, et d'énervement étaient aussi des souvenirs mémorables. J'étais particulièrement fière de la façon dont l'émission cassait les codes avec des idées dynamiques, des dramas, et un côté novela intéressant.
Vous intervenez sur plusieurs parcours de formation de La Fabrique. Pourquoi la transmission est essentielle dans notre secteur selon vous ?
En France, j'ai découvert quelque chose que j'adore profondément : les Compagnons. Cette passion a été déclenchée lors de la réalisation d'un documentaire sur les Compagnons du Devoir. Observant les écoles et les métiers variés, cela m'a inspiré dans l'idée de former et transmettre. Des personnes clés m'ont inspiré et transmis la passion pour ces métiers, m'offrant des outils pour réussir.
Par la suite, j'ai formé des équipes, sur toutes les émissions que je produisais, à la télé réalité et au documentaire. Cela a conduit à la formation de professionnels occupant aujourd'hui des postes importants. La formation, pour moi, est essentielle, et je suis fière des réussites de ceux que j'ai formés. Mon objectif est d'être utile, de fournir des clés, d'inspirer et de contribuer à la défense de la création française. En tant que citoyenne française et espagnole, je reste engagée à promouvoir la création française, comme l'exprime la chanson de Julien Clerc écrite par Etienne Roda-Gil : "Je vais être utile".
Pourquoi le pseudonyme "la Chica" ?
"La chica" signifie "fille" en espagnol, et ce surnom provient de mes débuts dans les programmes radio, notamment dans "La chica de la radio siete". Ce titre était inspiré d'une chanson du mouvement musical espagnol Movida, appelée "La chica de la radio" du groupe Caca de Lux. À l'époque, travaillant à Radio Sept, je faisais également des soirées au Palace tous les jeudis soirs pour promouvoir la musique espagnole, notamment pendant la Movida avec les Gipsy Kings. Je ramenais des groupes de flamenco anglais au Palace, mélangeant le traditionnel avec des éléments très contemporains. Ces soirées, baptisées "Fiesta", étaient également appelées "La Chica". Ma passion pour la musique a toujours été un terrain de jeu, et j'ai organisé des soirées mêlant différents styles, de la musique traditionnelle à des expériences nouvelles."
Finalement, "la chica", c'est moi.